Chroniques

par laurent bergnach

Wolfgang Rihm
œuvres pour orchestre

1 CD Hänssler Classic (2007)
93.185
Wolfgang Rihm | œuvres pour orchestre

Wolfgang Rihm est né à Karlsruhe en 1952, ville où il étudie le piano et la composition (1968-72) à la Musikhochschule avant d'y enseigner lui-même (1973-78). En 1985, il est nommé professeur de composition, une discipline abordée successivement avec Eugen Werner Velte tout d'abord, puis Karlheinz Stockhausen (Cologne, 1972-73), Klaus Huber (Fribourg-en-Brisgau, 1973-78), Wolfgang Fortner et Humphrey Searle. Rihm suit également les cours de musicologie de Hans Heinrich Eggebrecht et participe aux cours d'été de Darmstadt. S'il retient de ces enseignements une certaine rigueur, il ne prône pas l'avant-garde pour autant, recherchant dans le passé des chemins encore à explorer – le musicologue André Hebbelinck parle justement de « recherche d'une nouvelle cohésion formelle de l'art qui permît d'échapper aux variations autour d'un motif et à l'impasse du sérialisme systématique, sans donner pour autant dans la musique aléatoire et son absence d'engagement ni dans la gestuelle informelle du minimalisme américain, dépourvu de toute dimension historique ». Approchant les quatre cents opus, son catalogue compte des œuvres variées, allant de la pièce soliste aux œuvres scéniques (Faust und Yorick, Jakob Lenz, Die Hamletmaschine, Œdipus, Die Eroberung von Mexico, etc.) mais, le plus souvent, privilégiant l'orchestre, comme c'est le cas ici.

Commande de la Philharmonie de Stuttgart, Musik für Oboe und Orchester (1993-94) est une pièce en un mouvement, qui comporte plusieurs sections. Souvent confronté à des passages virtuoses, le soliste Alexander Ott se heurte à un orchestre de chambre fort de vingt-quatre musiciens – dépourvu de violon, flûte et trompette. Le concerto joue avec l'histoire du genre, s'autorisant de surprenantes réminiscences de pastorale ou de sérénade. Le climat général est donc relativement serein, au pire mystérieux sans être inquiétant. À l'instar de Pierre Boulez, Rihm opère de fréquentes corrections et reformulations de ses partitions – une monodie de hautbois de presque trois minutes, ajoutée en ouverture de pièce en 1995 – ; il se peut fort bien que nous n'écoutions là qu'une version transitoire.

Se référant aux deux fleuves souterrains de la mythologie, Styx und Lethe est le nom d'un concerto pour violoncelle composé pour Lucas Fels et le Festival de Donaueschingen, en 1998. Comme la pièce précédente, le soliste doit faire preuve d'une virtuosité soutenue. L'agitation s'y exprime en rondeur, sans agressivité. Pour Dritte Musik, créé à Baden-Baden en 1993, c'est un violon qui dialogue avec l'orchestre, rendant ainsi hommage au peintre Kurt Kocherscheidt, ami disparu l'année précédente et à qui plusieurs œuvres avaient déjà été dédiées. Par l'usage d'instruments folkloriques (bongos, congas, marimba, accordéon, etc.), le compositeur se montre volontiers coloriste.

Double concerto, la pièce Doppelgesang – devenue Erster Doppelgesang depuis l'apparition d'une seconde version – date d'un séjour romain d'avril 1980. C'est Walter Grimmer, membre du Bern String Quartet, qui lui suggère cette composition pour alto, violoncelle et orchestre. Cessant tout autre tâche, Rihm s'attelle à cette partition, durant laquelle il songe beaucoup aux formes libres de la prose poétique, et en particulier aux figures de Verlaine et Rimbaud – « Une autre de mes idées favorites : une seule voix résultant de deux voix. Janus chantant ; une chanson issue d'une double bouche ». Après Hans Zender (plages 1-2) et Michael Gielen (3), c'estJan Latham-Koenig qu'on retrouve à la tête du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, pour une œuvre tout en palpitation et bourdonnement, que des rafales percussives viennent clore.

LB