Recherche
Chroniques
William Walton
Symphonie n°1 – Siesta – Symphonie n°2
Les deux symphonies de William Walton (1902-1983) ont deux points en commun : d’une part elles sont le résultat d’une commande, et de l’autre – la lenteur d’écriture du compositeur étant bien connue –, leur genèse fut complexe et laborieuse.
La Symphonie en si bémol mineur n°1 reçut ses premières esquisses au début de l’année 1932, sous l’impulsion du chef légendaire du Hallé Orchestra, Hamilton Harty (1879-1941). Pour l’auteur de Belshazzar’s Feast, c’était l’occasion de composer une ample partition de musique « pure » ou « absolue », mais non sans peine : prévue pour être créée en avril 1933, seuls les trois premiers mouvements de la symphonie furent prêts pour exécution en… décembre 1934 ! Il faut dire qu’entre-temps, l’été fut consacré à la plus lucrative rédaction de sa première musique de film, Escape Me Never (Peter Godfrey, 1947) Après trois finals infructueux, la Symphonie n°1 fut enfin achevée le 31 août 1935 et présentée dans son intégralité le 6 novembre, par Hamilton Harty à la tête du BBC Symphony Orchestra.
Ces presque quatre années de gestation firent suffisamment de publicité à l’auteur et à son œuvre pour qu’Harty s’empresse d’en réaliser chez Decca la première gravure mondiale « supervisée par le compositeur », mais avec le London Symphony (10 décembre 1935). Walton devait avoir une affection toute particulière pour sa Première symphonie, car il en réalisa lui-même une somptueuse gravure pour la Columbia anglaise, en octobre 1951, avec le Philharmonia Orchestra – pour la petite histoire : c’est peut-être en réaction à l’enregistrement effectué par Karajan le 15 janvier avec le même orchestre, mais entaché de retouches d’instrumentation qui l’avaient horrifié…
Écrite vingt-cinq ans plus tard, la Symphonie n°2 reçut un accueil plus mitigé. Commandée en 1956 par la Liverpool Philharmonic Society, sa composition fut tout aussi laborieuse (Walton disait en février 1958 : « cela va si mal que j’ai bien peur de devoir tout recommencer… »), puisqu’elle fut terminée en juillet 1960 et créée le 2 septembre par le Royal Liverpool Philharmonic sous la baguette de John Pritchard. Il faut reconnaître qu’entre-temps, Walton avait satisfait une commande de George Szell pour le quarantième anniversaire du Cleveland Orchestra, la Partita pour orchestre (1958). Szell a toujours brillamment défendu la musique de Walton, témoin ses gravures superlatives de la Partita (janvier 1959), de la Symphonie n°2 (mars 1961) et des Variations sur un thème d’Hindemith (octobre 1964).
Les deux œuvres sont d’une grande difficulté d’exécution, non seulement au niveau technique, mais également du point de vue émotionnel où il semble bien que Walton ait concentré tous ses doutes, ses tourments, ses fureurs, une mélancolie qui va jusqu’à la désolation grinçante (Andante con malinconia de la Symphonie n°1). Par ailleurs, la Symphonie n°2 livre un Walton de la maturité, épuré, au langage plus concis, réduit à l’essentiel (en trois, non quatre mouvements), même si ses sentiments exacerbés, bien que davantage maîtrisés, y soient toujours latents.
Ces deux œuvres ont reçu les hommages bien mérités du disque, la Première surtout : Charles Mackerras, Bryden Thomson et Paul Daniel les ont enregistrées toutes deux ; André Previn a toujours fait autorité dans la seule Symphonie n°1, tandis que George Szell est la référence « américaine » [György Széll, ndr] de la Symphonie n°2 dont il assura la première étatsunienne à New York en janvier 1961. Mais avoir ces œuvres-sœurs sur un seul CD, dans cette fabuleuse interprétation de Martyn Brabbins, remet tout en question, et il n’est guère nécessaire d’aller chercher ailleurs !
Par sa musicalité et sa scrupuleuse honnêteté vis-à-vis du texte musical, Ce chef britannique surclasse aisément tous ses devanciers dans ces partitions loin d’être aisées. Nous tenons là cette double version de référence si longtemps attendue, avec un BBC Scottish Symphony somptueux et magnifiquement enregistré. Et comme si ce n’était pas suffisant (cerise sur le gâteau), Hyperion offre en prime, lovée entre les deux symphonies comme pour un bref moment de répit, la courte Siesta (1926), page de cinq minutes inspirée par l’amour de l’Italie, et que Walton, en entendant un enregistrement après l’avoir oubliée, qualifia tout simplement de « charmante » .
MT