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Chroniques
Valérie Hanotel
La Diva
« Emmy Destinn n'avait pas cinquante-deux ans quand une attaque d'apoplexie l'a terrassée sur une table d'opération. Elle avait eu le temps de connaître vingt ans de gloire et dix ans d'oubli. Les dernières années ont dû lui paraître longues. Je me souviens d'avoir lu un jour combien sa fin de vie a été triste et solitaire. L'auteur de ce roman referme la grille à temps. »
Signée Nathalie Manfrino, la postface deLa Diva dit vrai : de la cantatrice et résistante tchèque (1878-1930), on ne saura rien des dernières tournées déprimantes, de l'indifférence de ses compatriotes et de son mariage décevant avec un jeune homme bien trop ordinaire. Valérie Hanotel préfère nous la présenter dans les années de gloire. Mais pour qui a rendez-vous avec l'Histoire, celle-ci ne peut s'accompagner d'une paisible routine.
Dans son Prélude relatant la création de La Fanciulla del West, fin 1910, la romancière met en place différents protagonistes : Puccini lui-même, mais aussi Toscanini (alias Tyranini, dénonçant les marqueurs), Caruso (incorrigible séducteur aux remèdes miracle), ainsi que des gens hostiles comme Géraldine Farrar ou simplement étranges (la Viennoise de l'Amerika). Ces quatre-vingt pages nous renseignent sur la famille de l'héroïne, ses amours passés, ses rituels, ses hobbys (lire de la poésie, peindre une assiette), etc.
La déclaration de guerre bouleverse la vie d'Emmy, installée à Stráž avec amis et amant. L'assignation à résidence de ce dernier, le baryton français Dinh Gilly, l'oblige à reprendre seule la route du Met. Sensible à un retour rapide à la paix et, plus que jamais, à l'indépendance de son pays, l'artiste multiplie les actions symboliques (promouvoir Smetana) et plus secrètes (transformer son chat Sonora en facteur !). Même si la mort la frôle, « la lâcheté n'était pas, ne serait jamais une option ».
Non dénué de suspense, ce livre réussit à équilibrer moments de pure détente – ces vacheries inhérentes à la vie lyrique (« On s'embrassait presque autant dans ce milieu qu'on s'y faisait de crocs-en-jambe ») – et confrontations récurrentes de Destinn / Destinnová avec l'inquiétude et le désenchantement amoureux ou politique. Elle écrit d'ailleurs un jour : « Je me méfie des humains. L'eau et le soleil sont tellement plus beaux »…
LB