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Chroniques
Ralph Vaughan Williams
mélodies
Ralph Vaughan Williams (1872-1958) est, avec Elgar, la figure musicale anglaise la plus importante de la première partie du XXe siècle. The Pilgrim' Progress (La marche du Pèlerin, 1951), titre d'un de ses opéras, pourrait résumer une grande partie de sa vie. Issu d'une famille vouée au droit et à la religion, son choix d'étudier la musique le conduit à Londres (plutôt qu'à Cambridge) auprès de Charles Villiers Stanford, à Berlin auprès de Max Bruch, à Paris auprès de Maurice Ravel. À l'instar de Bartók en Europe centrale, le compositeur s'est toujours intéressé à l'ethnomusicologie, et a rassemblé un corpus de chansons de tradition orale, recueillies dans les campagnes les plus reculées. De façon directe ou plus élaborée, on retrouve la trace de cette recherche dans de nombreuses œuvres d'une production protéiforme.
Créée en 1904, Songs of Travel comporte neuf chansons (la dernière éditée seulement en 1960), inspirées par les poèmes de Robert Louis Stevenson – autre grand voyageur. L'œuvre, contemplative plus que mélancolique, possède une grande unité, notamment grâce aux échos réguliers (Youth and Love, Whither must I wander ?) de The Vagabond, qui ouvre le cycle. Dès cette première mélodie, nous goûtons à la voix ample et nuancée du baryton Roderick Williams, au timbre qui s'éraille délicieusement dans les graves. Plus tard, ce sont les pianissimi délicats qui charmeront. Malheureusement, un vibrato incertain apparaît régulièrement, qui peut freiner l'enthousiasme.
Cette même année voit la publication de The House of Life, à partir de six sonnets de Dante Gabriel Rossetti, poète et surtout peintre du XIXe siècle, principal porte-parole de la sensibilité préraphaélite. Ce courant, inspiré par l'art gothique et la Renaissance italienne, souhaite au départ privilégier l'imaginaire, l'allégorie et la légende, en opposition au matérialisme victorien et au néoclassicisme de l'art académique. Recourant à toute la tessiture de la voix, ces mélodies romantiques autant que mystiques sont fortement contrastées. Si la voix gagne ici en sensualité et en souplesse, c'est au service de morceaux délicats mais fort proches de la romance. Le pianiste Iain Burnside semble s'y ennuyer autant que nous.
Four Poems by Fredegond Shove (1925), révèle un compositeur plus aguerri, confronté cette fois à un univers de désolation et de mort. Là encore, on pourra parler d'unité, tant les trois premiers poèmes sont livrés dans une ambiance désolée et nue. Le dernier, comme un signe d'apaisement et de renouveau, est égayé par la timide tournerie du moulin à eau. Ce très court cycle, dépourvu d'effets virtuoses, est le plus réussi vocalement.
LB