Chroniques

par michel slama

récital Isabelle Philippe
Auber – Halévy – Meyerbeer

1 CD Cascavelle (2006)
VEL 3105
récital Isabelle Philippe (soprano) | Auber – Halévy – Meyerbeer

Isabelle Philippe poursuit une carrière atypique en tentant de s'imposer comme l'un des espoirs du chant français. Curieuse carrière, en effet, au répertoire très particulier, pour celle qui arrive après Natalie Dessay et Patricia Petibon, toutes deux divas accomplies. Sa voix de soprano colorature a pourtant constitué l'un des attraits des grandes heures du Théâtre Impérial de Compiègne qui s'est fait un devoir de réhabiliter les opéras oubliés du patrimoine national. Après quelques essais en musique baroque avec William Christie, en particulier, la belle s'est orientée vers l'opéra français du XIXe siècle, et l'opéra belcantiste et romantique italien. Violetta (Traviata), Rosine (Barbiere di Siviglia), Gilda (Rigoletto) sont donc aujourd'hui à son répertoire. L'opéra contemporain la séduit aussi : elle a enregistré Perelà, homme de fumée de Dusapin [lire notre critique du CD] et interprété le rôle-titre des Caprices de Marianne de Sauguet à Compiègne, son théâtre de prédilection.

C'est en effet du Théâtre Français de la Musique que nous vient ce premier récital particulièrement original qui nous la livre, sur le vif, face aux grands opéras oubliés. Il s'agit en fait d'un CD constitué à partir des intégrales de ces opéras déjà parus en DVD. Ainsi, nous découvrons avec plaisir de nombreux inédits et raretés provenant d'œuvres données à Compiègne : Charles VI (Halévy), Dinorah (Meyerbeer) et Haydée (Auber). À part, le très célèbre Ombre légère de Dinorah, régulièrement enregistré en italien (Maria Callas) ou en français (Natalie Dessay, Mado Robin, etc.), aucun des airs et duos proposés ici n'avait eu auparavant les faveurs du disque.

Comment ne pas exprimer avec regret notre déception ? La grande voix d'Isabelle Philippe, telle qu'on se souvient l'avoir entendue, manque ici de netteté, de magie et semble l'œuvre d'une débutante prise aux pièges d’une technique défaillante. La couleur de sa voix relève-t-il d'un problème lié à la prise de son ? Il est vrai que la captation d'un concert ou d'un opéra peut poser de sérieux problèmes aux ingénieurs du son. Isabelle Philippe laisse ainsi découvrir un chant timide, scolaire, manquant de brillant et d'éclat, quelques fois aux prises avec la justesse. Pourtant les moyens vocaux ne manquent pas (particulièrement les aigus) et le public semble réjoui et conquis après chacune de ses interventions. Heureusement, cette voix puissante sur scène accompagne une diction presque parfaite. Mais pourquoi une telle absence de legato et de maîtrise de ses différents registres ? Quel manque de charme et d'imagination dans ces très jolies pièces qui ne demandent qu'à être redécouvertes.

Écoutez justement Ombre légère et vous comprendrez notre déception : tout est là, mais le miracle n'opère pas. Aucune séduction, aucun charme et des vocalises difficiles ; où est donc passée cette fraîcheur que l'auditeur est en droit d'attendre ? Accompagnée par un orchestre et des comprimari poussifs, dirigés eux aussi sans grande imagination, elle ne parvient pas à faire oublier une voix inaccomplie en quête d'un vrai mentor. Si une Diva est née, comme le propose très maladroitement le titre de notre CD, encore faut-il l'éduquer, la conseiller et la faire évoluer pour qu'enfin le papillon sorte de sa chrysalide. Une carrière à suivre de près…

MS