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Chroniques
Péter Eötvös
Music for New York – « Now, Miss ! » – Electrochronicle – Dervish dance
En 1971, Péter Eötvös part vivre dans une ferme d'Öldorf, près de Cologne. Là, il expérimente diverses méthodes de composition, de la construction rigide à l’improvisation la plus libre, soucieux de remonter aux origines de l’acte musical, de retrouver les racines des sons, le moment où la vibration fait coïncider rythme et mélodie. Par ce besoin de réinvention et de réappropriation de la préhistoire musicale, c’est lui-même en tant que musicien que le compositeur encore très jeune réinvente. Le présent disque témoigne fidèlement de cette période de recherches, permettant une connaissance plus intime du laboratoire de Péter Eötvös, pour quiconque s’intéresse à son travail d’aujourd’hui.
Music for New York est une improvisation de 1971 sur des instruments folkloriques hongrois – la cithare et l’orgue de Barbarie –, transformée ensuite pour synthétiseur. Trente ans plus tard, à Budapest, deux musiciens de jazz, László et András Dés y ajoutèrent des morceaux improvisés, respectivement au saxophone soprano et au bodhrán. Voici ce que dit le compositeur de son goût pour cette pratique musicale :
« Je dois admettre que je ne dirige jamais sans partition. Si j’arrêtai de regarder la partition, je commencerais sans doute à improviser, et l’orchestre écarquillerait les yeux, se demandant ce qui se passe. L’improvisation est la base de la musique, de même que la construction est la base de la composition. L’improvisation arrive à un moment donné et c’est un processus qui ne se répète pas, alors que l’essence de la composition est de considérer et de choisir certains sons après les avoir répétés plusieurs fois, puis de noter les sons choisis à destination des interprètes. Mais un bon interprète retransmettra la partition la plus familière comme s’il l’improvisait, comme si elle naissait de son propre esprit ».
« Now, Miss ! » (1972) s’inspire d’une pièce radiophonique de Samuel Beckett, Embers (Cendres, 1959) qui fut jouée à la BBC par McGowran et Patrick Magee. Comme dans l’œuvre de l’écrivain, deux personnes discutent, assis sur une plage. Le bruit de vagues sur bande fut rajouté en 2002 à l’enregistrement original de 1973. János Négyesy joue du violon et c’est Eötvös qui tient la partie d’orgue électronique (transformée par synthétiseur.)
Pour approfondir la connaissance de sa pièce Electrochronicle sur laquelle il travaille de 1972 à 1974, écoutons de nouveau le compositeur : « La vibration d’un intervalle permanent, joué sur un orgue et retransmis par plusieurs transformateurs de sons raccordés ensemble, crée des rythmes et des mélodies à la fois originales et indépendantes. Les sons peuvent être comparés aux ondulations faites par un galet lancé sur l’eau, et chacun peut admirer la grâce de ces ondulations à la rencontre les unes des autres et les lois propres qu’elles génèrent, ce faisant ».
Pour le compositeur, la beauté de cette pièce ni improvisée, ni composée réside dans la richesse de ses mouvements microscopiques (huit sessions, du 5 au 22 juin 1974). On y trouve en germe ce qui motiverait plus tard des réalisations comme Stein par exemple. Dervish dance (1993-2001), enfin, est le dernier bourgeon résultant de cet état d’esprit à l’origine d’Electrochronicle. Dans cette courte pièce pour clarinette, l’harmonie créée par la triple lecture est un phénomène accidentel. C’est ici Csaba Klenyánqui joue.
LB