Chroniques

par laurent bergnach

Mariss Jansons – Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Gustav Mahler | Symphonie n°2

1 DVD Arthaus Musik (2013)
101 685
Mariss Jansons joue la Symphonie n°2 (1895) de Gustav Mahler

« Au théâtre, disait l’auteur des Rückert Lieder [lire notre critique du CD], le naturel sonne toujours faux, et s’il faut y parvenir ce ne sera que par les artifices d’une recomposition absolue ». Tournant le dos à l’opéra, le compositeur bohémien a donc assouvi son amour de la voix dans le Lied, et celui de la grande forme dans neuf symphonies achevées, créée entre 1889 (Budapest) et 1912 (Vienne) – comme le rappelle le musicographe Christian Wasselin (in Mahler – La symphonie-monde, Découvertes Gallimard / Musée d’Orsay, 2011)

À peine conçue la première de ces symphonies, entre décembre 1887 et mars 1888 – d’abord sous-titrée Titan, en hommage au roman éponyme de Jean Paul publié en quatre volumes entre 1800 et 1803 –, Gustav Mahler se penche déjà sur la Deuxième. Prélude involontaire aux différentes disparitions familiales qui marquent le jeune homme, en 1889 (son père Bernhard, sa sœur Leopoldine et sa mère Marie), le mouvement initial, Totenfeier (Funérailles), est d’abord ébauché, mais le plan véritable de l’œuvre n’apparaitrait pas avant l’été 1893. Le cinquième et dernier épisode lui est donné au printemps suivant, en entendant un chœur chanter à l’enterrement du pianiste et chef d’orchestre Hans von Bulow : la partition s’achèvera donc par un hymne à la Résurrection, mais sans qu’il soit question d’en faire un titre. La rédaction de Symphonie en ut mineur n°2 se conclut à l’été 1894, dans la cabane à composer (Komponierthäuschen) de Steinbach-am-Attersee. Avant sa publication en 1897, et plusieurs révisions jusqu’en 1909, Mahler la présente aux Berlinois, d’abord sous une forme fragmentaire, mal accueillie (4 mars 1895), puis complète (13 décembre 1895).

Filmée à la Philharmonie im Gasteig (Munich) en 2011, cette soirée en compagnie des Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks est introduite par une transcription pour seize voix d’Ich bin der Welt abhanden gekommen (1905), troisième des cinq Rückert Lieder. Loin d’être alangui sous la battue de Michael Gläser, le chœur respecte avec un recueillement certain le dosage savant et nuancé qu’en 1985 en réalisait un spécialiste du genre, le compositeur et musicologue Clytus Gottwald.

Puis Mariss Jansons aborde l’Allegro maestoso dans une tension qui n’a rien de cru ou d’échevelé, avec un suspense propre et net. La délicatesse prime sur la démonstration, sans caricature de cataclysme, mais sans affectation non plus. Une même tranquillité accompagne le menuet de l’Andante moderato, sans les accélérations dont usent d’aucuns pour forcer l’expressivité. Cette option du chef permet de redécouvrir le mouvement médian, qui gagne en inquiétude et immuabilité, moins étranger au reste de l’œuvre que bien souvent. Si Urlicht semble, en revanche, manquer un peu d’élan par un excès de retenue, voire de ralentis, on y apprécie la présence du mezzo Bernarda Fink, avec son grand souffle et un grave des plus riches, ainsi que celle de vraies cloches. La froideur céleste du soprano Anja Harteros introduit à une fin tranquillement menée, sans extase pompière. Visiblement content de ses musiciens, Jansons peut être fier du travail de chacun sur ce concert.

LB