Chroniques

par hervé könig

Joseph Haydn – Georg Matthias Monn
concerti pour violoncelle

1 CD Harmonia Mundi (2004)
HMC 901816
Haydn – Monn | concerti pour violoncelle

Ces derniers temps, nous avons pu présenter les deux concerti pour violoncelle de Joseph Haydn dans des enregistrements nettement différents : celui de Gautier Capuçon [lire notre critique du CD], puis celui de Matt Haimovitz [lire notre critique du CD]. Harmonia Mundi fait paraître une nouvelle version que l'on doit à Jean-Guihen Queyras.

Du Concerto pour violoncelle en ut majeur Hob.VIIb.1, on ne connaissait que quelques mesures recopiées par Haydn dans un répertoire de ses œuvres établi fin 1765. L'œuvre entière semblait perdue jusqu'à ce qu'on retrouve à Prague, en 1962, une partition manuscrite au château de Radenín. Composé sans doute entre 1761 et 1765, le Concerto ne sera donc créé que le 19 mai 1962 par le violoncelliste Miloš Sádlo et l'Orchestre Symphonique de la Radio Tchécoslovaque dirigé par Charles Mackerras. Dès le Moderato, le Freiburger Barockorchester se montre mordant, sans déroger à une élégance omniprésente. Queyras lui-même est plutôt incisif, développant son chant avec un lyrisme retenu. Avec des pizz' parfaits, une cadence où le soliste nous raconte une histoire, et un orchestre doucement contrasté, l'on sait avant même la fin de ce premier mouvement qu'on est en train d'écouter l'une des meilleures versions de cette œuvre. La suite ne déçoit pas : l'Adagio bénéficie d'une sonorité extrêmement raffinée, joué comme un lamento d'opéra, tandis que le Finale est joueur et plein de relief, installant un suspens palpitant pour préparer l'entrée du soliste. Plein de surprise et de rebondissement, ménageant des moments d'une délicatesse inouïe, n'hésitant pas à offrir un violoncelle volontiers musclé, voire percussif, tout cela dans un tempo infernal : ce dernier mouvement est absolument superbe !

Avec le Concerto pour violoncelle en ré majeur Hob.VIIb.2, c'est un peu l'inverse. On connaît l'œuvre, sa date de création (1783), mais une confusion intervient au XIXe siècle quand on en attribue la paternité au violoncelliste Anton Kraft, de l'orchestre du Prince Esterházy, pour qui le Concerto fut écrit ! La méprise dure jusqu'en 1954. Un autre malentendu se développe également : une version de l'œuvre, datant de 1890, remaniant largement la partition, connaît un succès considérable. Si le nom de Haydn ne fut jamais caché par l'arrangeur, François-Auguste Gevaert, c'est une version dénaturée qui circule jusque dans les années soixante. Notons que le ton léger et divertissant du Concerto – raison de son succès ? – est à l'opposé des symphonies que le compositeur produit à la même époque. Petra Müllejans à la tête du Freiburger ouvre l'œuvre sur un Allegro moderato calme et presque recueilli lors de la première exposition, avant de proposer un travail plus brillant sur les mesures suivantes. Le phrasé de Queyras est toujours soigné, mais on aimerait peut-être un legato plus élégant. L'Adagio est presque trop évident, reprenant le thème dans une sonorité presque étouffée, jusqu'à tourner la page dans une douceur infinie. Tonique, l'interprétation de l'Allegro final avance avec fraîcheur et vitalité, sans pour autant convaincre l'auditeur. Indéniablement, pour irréprochable qu'elle soit, cette lecture du Concerto n°2 n'atteint pas les sommets de celle du précédent.

Compositeur viennois à la frontière du baroque et du classicisme, on connaît peu aujourd'hui Georg Matthias Monn, né en 1717, organiste à Vienne, auteur de symphonies, de concerti et de nombreuses pages chambristes. L'œuvre importante qu'il laisse en s'éteignant (1750) circulera dans toute l'Autriche. Son unique Concerto pour violoncelle, en sol mineur, date probablement des dix dernières années de sa vie. Il s'ouvre sur un sombre Allegro que les acteurs de ce disque prennent avec un grand sens du tragique, Jean-Guihen Queyras faisant preuve d'une appréciable souplesse. L'Adagio est ici minutieusement construit, délicatement articulé, l'orchestra accompagnant avec grâce et légèreté la belle mélodie du violoncelle. Enfin, les échanges entre pupitres et entre l'orchestre et le soliste soulignent le brio tout italien du dernier mouvement.

HK