Recherche
Chroniques
Johann Sebastian Bach
Suites anglaises
Le claveciniste Christophe Rousset nous offrit par le passé des interprétations souvent virtuoses, toujours cohérentes et intelligemment articulées. Cependant, rien de comparable à cet enregistrement intégral des Suites Anglaises de Bach ! Si l'on apprécia sous ses doigts les Partitas, les Concerti dans l'entourage de Christopher Hogwood, la fulgurance de sa vision des Goldberg, cette nouvelle version des suites est estomaquante, tout bonnement.
La main heureuse de Rousset choisit un Ruckers de 1632 à la sonorité capiteuse, conservé au Musée d'Art et d'Histoire de Neuchâtel, où eut lieu la présente prise de son en février dernier. Ceux qui aiment la précarité des petites boîtes seront déçus : cette version est d'une générosité orgiaque, tant dans l'espace sonore que dans le temps. Le climat n'est pas cérémonieux, mais au contraire pétillant et festif, Rousset dansant avec chaque mouvement en échevelant fabuleusement son tactus – comme dirait un mien confrère volontiers donneur de leçons. Les Gavottes sont enlevées, les Bourrées claironnantes comme des fifres, les Gigues endiablées, les Menuets pas sérieux pour un sou, et les Sarabandes ne risquent pas d'être prises pour des Pavanes. Bach méditatif et abstrait ? À d'autres !...
De bout en bout, cette intégrale est vivante, humaine, et bouscule les habitudes précautionneuses auxquelles les dernières versions entendues ne manquaient de se soumettre. Cela n'enlève rien à l'émotion que ce recueil peut nous procurer ; mais ici l'émotion dépasse le bon goût, et retrouve une authenticité violente qui transporte l'auditeur. À côté de nombreux petits bijoux discographiques, cet enregistrement est un trésor.
AB