Chroniques

par bertrand bolognesi

Johann Paul von Westhoff
Sonates pour violon et basse continue n°1 à n°6

1 CD Zig-Zag Territoires (2005)
ZZT 050201
Johann Paul von Westhoff | Sonates pour violon n°1 à n°6

Une nouvelle fois, le label Zig-Zag Territoires se lance à la recherche d'un oublié de l'histoire de la musique. Né à Dresde en 1656, Johann Paul von Westhoff fit une carrière de violoniste admiré des plus grands en son temps, mais sera également secrétaire du duc de Weimar et professeur de langues étrangères. Le personnage restera une énigme pour nous, alors que Les plaisirs du Parnasse nous invitent à découvrir son recueil de six Sonates pour violon et basse continue édité en 1694.

Dès la première aria de la Sonate en ré mineur n°4 par laquelle ce beau disque s'ouvre, on appréciera une prise de son d'une grande présence. Puis, le climat particulièrement dramatique de l'œuvre force l'écoute qu'il happe par un suspens étonnant. La basse continue est extrêmement riche, pour un violon – David Plantier – délicatement déclamé. Après cette sorte de préambule, l'Allegro s'emporte en une danse furieuse qu'on a bien du mal à rapprocher de quoi que ce soit d'autre à la même époque. Passionnante, l'interprétation semble s'ingénier à en révéler la personnalité, avec une fougueuse énergie. Suit une autre aria puis un très virtuose Allegro, avant de nous faire goûter au dénuement raffiné d'un Arioso final d'une tendre mélancolie.

Et durant tout le disque, on continuera de s'étonner de tel trait, de l'usage de tel procédé, affirmant un compositeur à nul autre pareil. On y trouvera un bijou vivaldien avant l'heure – troisième mouvement de la Sonate en ré mineur n°3, d'inspiration plus italienne dans l'ensemble –, une hallucinante opulence dans la patine de la basse comme du violon –deuxième mouvement de la Sonate en la mineur n°2 –, l'inquiétante alternance de quiétude relative et de déchaînement tempétueux – Sonate en la mineur n°1 –, une construction en six mouvements d'une égalité d'humeur déjà presque classique – les cinq premiers de la Sonate en sol mineur n°5, contredits par le sixième -, et jusqu'à l'imitation d'un luth par le violoncelle de Maya Amrein et le violon – troisième mouvement de la Sonate n°2 – à s'y méprendre.

D'une rare intelligibilité, ce disque défend une œuvre d'une profondeur inouïe, intégralement écrite en mode mineur sans que rien ne s'y appesantisse dans une contemplation alanguie ; au contraire, il y a ici une santé presque antagoniste qui jubile à pleines joues ! Pour toutes ces raisons, et parce que Shizuko Noiri à l'archiluth et Andrea Marchiol au clavecin, ainsi que les deux autres artistes précédemment cités, présentent un travail tout à fait enthousiasmant, nous inaugurons dès lors l'attribution d'une Anaclase !

BB