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Chroniques
Jean Sibelius
Symphonie Op.43 n°2 – En saga Op.9 – Luonnatar Op.70
Sans doute le dernier compositeur romantique, Jean Sibelius (1865-1957) demeure, aujourd'hui encore, l'incarnation de la musique finlandaise ; Finlandia (1899) s'apparente à un second hymne national, et plusieurs de ses « offrandes de la plus pure eau de source » – symphonies ou poèmes symphoniques – ont un style inimitable qui expose, sinon célèbre, la mélancolie nordique. Pourtant, de même qu'on ne peut l'associer à une quelconque école, le musicien s'abstient de recourir à des motifs folkloriques. Inspiré par la nature et la mythologie de son pays, son langage a évolué du Sturm und Drang vers le classicisme tout en conservant ce climat bien à lui, qui réclame une écoute attentive pour se livrer.
Sept symphonies virent le jour entre 1899 et 1924, dont la dernière annonce le terme de sa carrière : après 1929, en effet, Sibelius ne publie plus rien. Suite à la création de la Première le 26 avril 1899, la Deuxième en ré majeur Op.43 est mise en chantier début 1901, au cours d'un séjour en Italie chez le baron Axel Carpelan, dédicataire de ses quatre mouvements dont on enchaîne les deux derniers. À l'origine, le projet était un poème symphonique sur la vie de Don Juan, mais de retour à Helsinki au printemps, le musicien en décida autrement. L'œuvre y fut créée le 8 mars 1902 sous sa battue.
Dès les premiers pas de l'Allegretto introductif, l'interprétation colorée de Colin Davis révèle les influences de Sibelius et, plus encore, l'air du temps. Certes, Tchaïkovski n'est pas loin, dans le traitement des cordes, mais une certaine dimension brucknérienne n'est pas à exclure, dont l'énergique emphase fait son effet sans que le chef en force le trait. Sous les doigts des excellents musiciens de la Staatskapelle de Dresde, les énigmatiques pizzicati qui ouvrent le second mouvement (Tempo Andante, ma rubato) saisissent l'écoute avant que des accents plus fermes l'entraînent vers une véhémence toute dramatique qui nous fait regretter que le compositeur n'ait finalement pas conçu d'opéra. En revanche, c'est plus au ballet russe que fera songer le redoutable Vivacissimo suivant, ici conduit dans une urgence rageuse à laquelle vient s'opposer des soli de bois d'une délicatesse inouïe. Enfin, les artistes profitent allègrement – mais jamais copieusement – du caractère héroïque du Finale.
Dix ans plus tôt, Sibelius avait entrepris l'écriture d'En Saga Op.9 dont il dirigea la création le 16 février 1893. Le mauvais accueil du public le déçut au point qu'il renonça à cette partition. À la demande de Busoni, quelques dix ans plus tard, il révisa cependant l'œuvre : d'une forme réduite, elle est à présent plus structurée et favorise la mise en valeur des subtilités de son orchestration. La nouvelle première a lieu le 2 novembre 1902 sous la direction de Robert Kajanus, toujours à Helsinki, mais la légende sera également jouée à Berlin. Ici, c'est dans un symbolisme moiré apparenté aux plus savantes pages de Rimski-Korsakov que l'exprime la veine kalevalienne de Sibelius, dont certains aspects, que Colin Davis n'omet pas de souligner, avoue un cousinage discret avec Debussy.
Restons dans le mythe avec la cantate Luonnotar Op.70, qui raconte la création du paradis et des étoiles, mêlant narration épique et éléments atmosphériques ou magiques. Esprit vierge, Luonnotar (La fille de l’air) grandit seule dans l'immensité, avant de se réfugier au fond de l'océan. L'œuvre est écrite en 1913, entre les 4ème et 5ème Symphonies. Une facture plus personnelle s'y affirme, telle que la révèle ici le soprano Ute Selbig.
HK