Chroniques

par laurent bergnach

Henry Purcell
Dido and Æneas | Didon et Énée

1 DVD Arthaus Musik (2008)
DVD multi-zones
Henry Purcell | Dido and Æneas

Alors que le public anglais de son époque préfère les semi-opéras (des pièces où alternaient texte parlé, texte chanté et danse), Henry Purcell lui propose Dido and Æneas, une des premières œuvres scéniques entièrement chantées. De l'un des opéras les plus célèbres du répertoire lyrique, créée en avril 1689 par les pensionnaires d'une école de jeunes filles de Chelsea (Angleterre), il reste malheureusement une partition inachevée. En la comparant au livret de Nahum Tate inspiré du Livre IV de L'Énéide, on s'aperçoit qu'il manque le prologue et de nombreuses autres parties. Gêné par le déséquilibre structurel de cet opéra, Attilio Cremonesi cherche à en reconstruire les parties manquantes. « Le travail le plus difficile fut évidemment la reconstitution du prologue, qui consiste en divers récitatifs (monologues et dialogues), des chœurs, un duo et des danses », explique-t-il.

Redoutant l'arbitraire, le chef d'orchestre renonce parfois. « C'est pourquoi les textes de ces récitatifs sont parlés et non chantés. Le cas était différent pour les chœurs : je pouvais emprunter des pièces aux Welcome Songs et au King Arthur, dans la mesure où elles correspondaient à la métrique et à l'esprit du livret. Les nombreuses danses du prologue et les First and Second Musics proviennent de l'abondant répertoire instrumental des semi-opéras de Purcell. De même pour les danses qui interviennent au milieu de l'opéra et le chœur final du deuxième acte » (in Programme de l'Opéra National de Montpellier).

Concernant la danse, la chorégraphe Sasha Waltz a notamment veillé à intégrer au groupe des danseurs le Vocalconsort Berlin, généralement simple commentateur extérieur. « Cette société de cour, dit-elle, renforce et grossit ce que les solistes ont d'abord exprimé. Mais je les mets évidemment en mouvement, parce que je ne voulais pas que les danseurs agissent à part sur la scène. Il est important pour la dynamique de la pièce qu'il y ait une telle force collective, et non des blocs séparés qui resteraient statiques sur la scène. »

Le destin tragique de la reine carthaginoise n'empêche pas les moments plus légers, voire ludiques, comme cette scène d'ouverture où tritons et naïades s'égayent dans un aquarium géant ou la scène de mascarade, digne d'un pensionnat de jeunes filles, justement. L'émotion des instruments (Akademie für Alte Musik Berlin), des voix (excellentsAurore Ugolin, Reuben Willcox, Deborah York, etc.) et des corps se répondent pour un spectacle original et captivant, filmé à Berlin en 2005, avant sa présentation dans l'Hexagone [lire notre chronique du 12 février 2005].

LB