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Chroniques
Harrison Birtwistle
musique de chambre
Enregistré à Londres en janvier 2021, quinze mois avant la disparition du compositeur britannique, ce disque explore quelques opus chambristes récents, à l’exception du bref Pulse Sampler pour hautbois et percussion conçu en 1981, mais qui fit l’objet d’une révision en 2018. C’est pendant le début de la composition de son puissant Mask of Orpheus, opéra en trois actes qui verrait le jour au printemps 1986 [lire notre critique du CD], qu’Harrison Birtwistle écrit cette pièce comme une péroraison en vingt-huit sections contrastées, dont l’exécution est soumise aux aléas de la percussion. On retrouve ici cette couleur particulière, au souffle fertilement archaïque, que l’on apprécie dans de grands opus antérieurs – tels The Triumph of Time pour orchestre (1972), Silbury Air pour ensemble (1977) et, surtout, le très étonnant ...agm... pour seize voix et trois groupes instrumentaux (1979) –, magnifiquement servie par Melinda Maxwell (hautbois) et Richard Benjafield (percussion).
Le catalogue de Birtwistle est riche en musique de chambre, puisqu’on y compte treize duos, six trios, six quatuors (dont trois pour cordes), sept quintettes, un sextuor et un septuor, autant d’œuvres dont la production débute en 1957 et s’achève en 2019. Dans cette vastitude notable, les artistes du Nash Ensemble n’eurent donc que l’embarras du choix ! Le leur s’est porté sur l’Obeo Quartet, page de 2009 pour hautbois, violon, alto et violoncelle dont la première complète fut donnée par Heinz Holliger et les Swiss Chamber Soloists aux Wittener Tage für neue Kammermusik, le 8 mai 2011. En réalité, il y eut d’abord une pièce pour cette formation, qui donna naissance à une seconde, deux nouvelles venant encore s’ajouter plus tard, formant finalement, et sans intention préalable, une suite de quatre sections dès lors réunies comme les mouvements d’un seul tout. Chaque partie porte pour titre son indication de tempo, rien de plus. Dès l’abord du I se signale une parenté certaine avec Pulse Sampler. On retrouve l’excellent Lawrence Power à l’alto, entouré de Benjamin Nabarro (violon) et Adrian Brendel (violoncelle), la partie de hautbois étant admirablement tenue par la même Melinda Maxwell. Aux mélismes savamment enchevêtrés du premier épisode succèdent les intrigantes raréfactions du suivant, semées comme autant de points dans un espace désertique, au cœur duquel surgit soudain un élan lyrique qui ne durera point. La petite marche désolée d’à peine une minute et demie, tout en discrète demi-teinte, ouvre sur un finale traversé de plusieurs péripéties musicales dont séduisent la vive tonicité ainsi que l’insistante expressivité.
C’est le 7 avril 2011, dans le théâtre baroque du château de Celle, non loin d’Hanovre, que Corey Cerovsek (violon), Adrian Brendel (violoncelle) et Till Fellner (piano) donnèrent le jour au Trio de 2011, enregistré ici par le même violoncelliste avec Lawrence Power au violon, cette fois, et Tim Horton au piano. Grand mouvement d’un quart d’heure, il alterne des moments agrippeux, fragments en déflagrations volontiers rageuses, et des inflexions amplement phrasées, dans un climat parfumé d’un souvenir viennois. On en apprécie une interprétation à la respiration fort généreuse. Enfin, c’est sous les archets de ses créateurs, Lawrence Power (alto) et Adrian Brendel (violoncelle) – Wigmore Hall (Londres), 12 avril 2019 –, que l’on découvre Duet for Eight Strings, la plus jeune page au programme, chapitre lent et comme perdu dans une immensité lointaine, néanmoins drument concentré.
BB