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Chroniques
Giuseppe Verdi
Macbet | Macbeth
Féru de littérature anglaise, Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957) donna plus d’une conférence désinvolte devant de jeunes gens réunis chez lui. Parmi celles qui furent éditées après sa mort par les éditions Mondadori (1991) se trouve une étude sur Shakespeare. Dans la production de ce dernier, parmi les sept merveilles d’une période majeure, l’auteur du Guépard distingue quatre véritables chefs-d’œuvre offrant comme thème commun l’histoire d’un homme détruit par la femme, quoique fort différents par le dynamisme tragique animant chacun d’eux :
« dans Othello, la tragédie naît de l’effondrement d’une âme qui se voit (ou croit se voir) retirer les fondements sur lesquels reposait son orgueil ; dans Le Roi Lear c’est l’ingratitude qui pousse le vieil homme à la folie ; dans Macbeth c’est l’ambition qui veut constamment se dépasser elle-même ; enfin, dans Antoine et Cléopâtre c’est la volupté qui tend un piège, renverse et tue un homme tout près de posséder le monde entier » (in Shakespeare, Éditions Allia, 2016).
Jugée techniquement parfaite par Lampedusa, Macbeth est, pour Verdi, « une des plus grandes tragédies jamais écrites » (in Jacques Bourgeois, Giuseppe Verdi, Julliard, 1978). Il rédige lui-même le livret, fidèle à l’œuvre originale réduite de moitié, et en confie la versification au fidèle Francesco Maria Piave (Ernani, I due Foscari). Plus soigneux que de coutume, le trentenaire passe ensuite à la composition, pendant près de six mois. L’ouvrage en quatre actes est ensuite créé à Florence, le 14 mars 1847, au Teatro della Pergola, puis débarrassé de « plusieurs choses regrettables » (ibid.) pour la reprise parisienne.
Synthèse de la tragédie métaphysique anglaise avec l’opéra de bel canto italien, le Macbet de Verdi est lui aussi une réussite. Emma Dante le met en scène sur le plateau nu du Teatro Massimo (Palerme), en janvier 2017. Dans cette production reprise à Turin [lire notre chronique du 30 juin 2017] domine une grille en éventail rappelant par sa forme couronnée la prison qu’est l’obsession du pouvoir. On aime le ballet de lits durant l’insomnie de Lady Macbeth, dans une production chorégraphiée par Manuela Lo Sicco, où rode l’au-delà (toilette mortuaire, cheval-squelette, armure-thoraxique, etc.). Carmine Maringola signe les décors, Vanessa Sannino les costumes.
Sans charisme particulier, Anna Pirozzi domine néanmoins la distribution en héroïne ambitieuse, qui sait être aimante, aussi, à l’occasion. Le soprano est fiable, précis et capable de douceur [lire notre chronique du 11 octobre 2018]. Dans le rôle-titre, Roberto Frontali offre moins de perfection, notamment par des portamentos douteux dans ce répertoire [lire notre chronique du 7 mai 2015]. Marko Mimica (Banco) possède une voix séduisante, conduite avec sûreté et facilité [lire nos chroniques du 28 octobre 2016, du 27 avril 2017 et du 22 novembre 2019]. Le chant de Vincenzo Costanzo (Macduff) est sain, sobre et prenant [lire notre chronique du 27 juin 2018], comme est lumineux celui de Manuel Pierattelli en Malcolm [lire notre chronique du 13 octobre 2019]. Antonio Barbagallo (Domestique, etc.) s’avère ferme et robuste.
On l’a dit, Verdi se montra exigeant avec cette œuvre qui annonce la maturité – pour preuve des airs survenant comme enchâssés dans un tissu musico-dramatique homogène, ou encore ce groupe de musiciens placé sous les planches pour une scène d’apparitions (Jacques Bourgeois). À la tête d’un orchestre maison aussi impeccable que son chœur, Gabriele Ferro se montre digne des souhaits du compositeur par son avancée régulière et équilibrée, presque dansante.
LB