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Chroniques
Giuseppe Verdi
Il trovatore | Le trouvère
Un nouveau Trovatore en DVD nous arrive des Pays-Bas, reflet des représentations données à Rotterdam à l'Arena Ahoy. Il ne s'agit pas d'une captation d'opéra au sens traditionnel, dans un théâtre, mais d'une superproduction, dotée d'énormes moyens dans un lieu qu'on imagine entre le Zénith de Paris et le Stade de France. Ce DVD va sûrement relancer la polémique sur l'opportunité de proposer le grand répertoire dans des lieux démesurés, sonorisés pour l'occasion. Si les expériences françaises (Aïda, Requiem de Verdi et Carmen) ont été un immense succès auprès du grand public, elles n'ont certes pas séduit les habitués des salles traditionnelles… Nous ne disposons cependant d'aucun témoignage qui pourrait nous faire changer d'avis, comme le présent DVD qui s'avère être une excellente surprise.
On a coutume de dire qu'il faut pour Il Trovatore les quatre plus grands chanteurs du monde. Sans atteindre à cette perfection, le quatuor de solistes chargé de nous faire revivre l'opéra de Verdi le plus fougueux et le plus mélodramatique, s'en sort plutôt bien. En tête, les voix graves, avec un Vladimir Stoyanov vraiment exceptionnel en Comte de Luna. Possédant un phrasé italien impeccable et une voix idéale pour ce rôle de baryton verdien, ce parfait acteur sait composer un être méchant, mais noble et passionné avant tout. Il en va de même de l'excellente Azucena d'Elisabetta Fiorillo, dramatique en diable et qui, avec une voix jeune et solide, ne cède (presque) jamais aux excès vulgaires auxquels nous ne sommes que trop habitués… Le rôle-titre, hélas, déçoit : Ignacio Encinas, ténor à la voix usée, chante en force des aigus difficiles, de façon vériste et pleurnicharde. À la différence de ses collègues, c'est également un piètre acteur, auxquels les gros plans ne pardonnent rien. Belle chanteuse, dotée d'une grande voix splendide, Olga Romanko doit apprendre à se débarrasser de sa vocalité russe, bien gênante pour sa Leonora. Par manque de technique, les vocalises écrites à la fin du Tacea la notte placida ou du Miserere lui sont fatales.
Les seconds rôles sont parfaitement tenus, avec une mention spéciale pour le Ferrando de Martin Tzonev, vraiment superbe et promis à un brillant avenir. The Netherlands Ballet Orchestra, très bon orchestre, est héroïquement dirigé par Ed Spanjaard. Le chef, très présent dans la mise en scène, sait soutenir ses chanteurs à la perfection et semble l'artisan de la réussite de ce spectacle.
Mais les qualités de ce DVD sont aussi dans la mise en espace où la Production Companions Opera n'a pas lésiné sur les moyens, comme elle en a l'habitude. C'est le dixième opéra qu'elle propose aux Néerlandais. Des ballets omniprésents, plutôt sobres et bien réglés, rythment l'action et permettent au spectateur de renforcer son attention dans une ambiance plutôt sombre. On a même jugé bon de rajouter un ballet à la fin du Deuxième acte. Il me semble avoir reconnu des extraits du ballet que Verdi écrivit pour la création de la version française en 1857, à La grande Boutique. Les nombreuses caméras à 360° restituent au mieux les effets vidéo, en particulier les projections sur la scène qui servent de décors pour les grands moments : croix géante pour le couvent, grille pour la prison... L'utilisation de feux, comme effets spéciaux, rajoute encore au spectaculaire. Techniquement, le produit est soigné : l'image 16/9 est superbe, le son est idéal (5.1, DTS, Dolby 2.0) et les sous-titres sont disponibles dans de nombreuses langues dont le français.
MS