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Chroniques
Georgia Spiropoulos
œuvres variées avec électronique
Grecque d’origine mais parisienne d’adoption, Georgia Spiropoulos (née en 1965) n’aurait pu mûrir sa vocation de compositrice et d’artiste multimédia sans un lien fort avec l’Ircam. En effet, c’est là qu’elle rencontra des professeurs émérites durant sa formation (Hurel, Leroux, Stroppa, etc.), puis trouva les conditions d’élaboration des trois œuvres avec électronique ici présentées.
La plus ancienne, Klama (2006), est née durant le festival Agora, au Centre Pompidou auquel est rattaché l’institution imaginée par Boulez. Conçue pour chœur mixte à huit voix, électronique et documents sonores transformés, elle s’inspire de la culture orale, plus précisément des rites mortuaires de la région du Magne (sud du Péloponnèse). La compositrice précise : « en raison de sa violence acoustique, la lamentation ou “thrène” peut être considérée comme une performance vocale liminale affectant profondément la tonalité, le timbre et la langue. Pratiquée par des femmes, habituellement dans la maison du défunt, elle est suivie de la liturgie funèbre byzantine célébrée à l’église. Ces deux formes se réunissent ensuite, de façon simultanément complémentaire et opposée, en une sorte de dissémination et d’éparpillement acoustique chaotique » (notice du CD – à télécharger sur le site du label). Klama est dédiée à György Ligeti, disparu le jour de sa création par le chœur Accentus, sous la direction de Laurence Equilbey. Notre enregistrement est celui réalisé ce jour-là ; il nous place en étrangers inquiets d’un rituel désolé allant pourtant de soi pour qui le pratique.
Inspirée par la tragédie éponyme d’Euripide, Les bacchantes (2010) se définit comme un soloopéra brut pour un chanteur-performer, électronique et lumières, lui aussi créé dans le cadre d’Agora. On y suit la vengeance de Dionysos envers ceux de Thèbes qui refusent de reconnaître sa nature divine – il est le fils de Zeus et de la mortelle Sémélé. Dans cet hommage à Xenakis, « la voix est simultanément primitive et élaborée, non domestiquée mais ouvragée avec précision ; elle intègre les matériaux de plusieurs genres et traditions et opère dans la tension qui naît de cette “contradiction” mais aussi dans la sensualité de la matière. Le texte, tantôt présent tantôt méconnaissable, a été utilisé de manière fragmentaire comme une matière première à modeler offerte à la manducation vocale » (ibid.). Médéric Collignon interprète quatre personnages : Dionysos, le guide des bacchantes, son cousin Penthée, sa tante Agavé, ainsi que le Messager. Chacun est identifié par son propre masque sonore (expression, transformation, etc.). C’est peu dire que la compositrice offre un dépaysement temporel et spatial avec cette œuvre à l’expressivité rocailleuse, qu’on ne se lasse pas d’écouter.
Le programme se clôt par un second solo : Roll… n’roll… n’roll (2015) pour harpe polymorphe et électronique en temps réel. Joué par Hélène Breschand dans un flux continu – comme le suggère le titre –, ce cycle contient cinq pages dont chacune traite une idée et un matériau précis associé à un traitement électronique et à une spatialisation propres – Tourbillon, Shig, Mobile (Little Toy), Texture et Paris qui crie. Là encore, on est séduit par les climats envoûtants que sait créer Georgia Spiropoulos.
LB