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Chroniques
Georg Friedrich Händel
Serse | Xersès
Le génial Händel compose Serse en moins de deux mois, pendant l'hiver 1737-38, à Londres. L'ouvrage serait donné au printemps suivant, pour tout juste cinq représentations, sans grand succès. Il n'y aurait aucune reprise du vivant de l'auteur, et ce n'est qu'en 1924 que le récit des amours du cruel Roi des Perses retrouverait la scène. Aussi Serse est-il l'un des derniers opéras que le Grand Saxon devait produire avant le grand virage vers l'oratorio. Plusieurs sources à l'ouvrage : d'abord, le Livre VII des Histoires d'Hérodote, puis le livret écrit par Niccolo Minato pour l'opéra Xerse de Cavalli, créé à Venise en 1655, enfin conçu à partir du précédent par Stampiglia pour Il Xerse de Bononcini, créé en 1694 à Rome. Dans le texte de la version de Händel, dont on ignore l'auteur, on remarquera la réduction considérable des recitativi, ce qui décontenança grandement ses contemporains, et de nombreuses coupures dans les arie ; de même quelques personnages subalternes ont-ils été abandonnés, au profit d'une importance nouvelle donnée au chœur.
L'enregistrement que vient de faire paraître Virgin Classics est un témoignage des représentations données au Théâtre des Champs-Élysées lors de la saison passée. Contrairement à ce qu'on aurait pu attendre, ce n'est pas le rôle principal, chanté honorablement par Anne Sofie von Otter, qui séduira le plus. Si la voix de Elizabeth Norberg-Schulz (Romilda) paraît trop peu caractérisée, elle offre un aigu évident. On découvre un Giovanni Furlanetto (Ariodate) dans une forme relative, mais toujours grand professionnel, et l'Elviro d’Antonio Abete est une réussite incontestable, tant le timbre est idéal au personnage. Alors qu'un public pas toujours juste et plus souvent mal élevé boude Sandrine Piau, cette artiste donne au disque une Atalante tout à fait efficace, sachant user d'une expressivité bienvenue. La mezzo-soprano Silvia Tro Santafé (Amastre) affirme une grande présence vocale, un peu lourde sur les vocalises mais avantageusement pleine par ailleurs, et Lawrence Zazzo fait un tabac en Arsamene ! avec des recitativi d'une précision époustouflante, une agilité fabuleuse, un timbre qu'il a su colorer au fil des années, et un grand sens dramatique, le contreténor pourrait justifier à lui seul cette captation.
William Christie à la tête de ses Arts Florissants présente une interprétation d'une admirable clarté, affirmant dès les premières mesures de l'ouverture une fermeté qui ne pâlira pas jusqu'à la fin. Toutefois, pour satisfaisante que soit cette lecture, elle n'atteint pas à cette sorte d'effervescence proprement händélienne qui rend les œuvres excitantes ; il manque un rien de théâtre pour magnifier une fort belle mais précautionneuse conduite. Cela dit, cette version n'est pas en reste sur celles précédemment éditées. Car à l'expressionnisme passionnant mais anachronique de Kubelik il y a quarante ans, au somptueux théâtre néanmoins dangereusement imprécis de Malgoire (1979), aux erreurs de distributions de la version de Bolton, on préférera cette nouveauté ainsi que le coffret dirigé par McGeggan.
BB