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Quarante-et-unième opéra de Donizetti, L’elisir d’amore (1832) est un charmant récit aux tons délicats et nuancés qui met en scène un marivaudage non dépourvu d’une certaine cruauté dans un Pays basque de fantaisie (ou ailleurs). Le musicien illustre et inaugure de belle manière l’esthétique de l’opéra semi seria sur un livret de Felice Romani, des plus réussis. Le but, qui est simplement de divertir, est parfaitement atteint dans la production signée par Laurent Pelly, à l’Opéra national de Paris en 2006, placée toute entière sous le signe de la fête et du rire. Les quatre principaux interprètes adhèrent d’ailleurs complètement à cet esprit élégant et burlesque.

Dans un décor poétiquement stylisé qui sent bon la fenaison et le fonctionnel signé par Chantal Thomas, la mise en scène alerte et vivante fourmille d’idées savoureuses et irrésistibles parfaitement enchaînées, et ne tombe jamais dans la trivialité ou le mauvais goût. Au final, Pelly réussit un petit chef-d’œuvre d’intelligence, de simplicité, de bonne humeur, qui frôle même l’opérette tout en respectant à la note près une musique plus difficile qu’il n’y paraît. Pas une once d’ennui dans ce show, ce musical en perpétuel mouvement où le rire est parfois très proche des larmes [lire notre chronique du 10 octobre 2009].

Impossible d’adresser un seul reproche à la distribution.
Sorte de Popeye échappé d’un club cuir du Marais, scéniquement gauche et benêt (comme le veut la tradition), Paul Groves, toujours soucieux de contrastes et de phrasé, est un plaisir total, tant la ligne vocale est souveraine. Difficile de trouver Adina plus mutine et espiègle qu’Heidi Grant Murphy : un physique de starlette d’Hollywood, des jambes à la Rita Hayworth, fine comme une guêpe l’artiste aborde ce rôle périlleux dans l’esprit romantique (donc moderne) avec une voix pleine de vrai soprano lyrique, conférant au personnage une sensualité et une grâce rares.

On le sait, le charlatan Dulcamara est un personnage ridicule, parfois grotesque. Le mastodonte Ambrogio Maestri [lire notre chronique du 24 octobre 2014] le joue avec aplomb, drôlerie et (à l’époque) une grande correction musicale pour des débuts parisiens forts appréciés. Précédée d’un clairon plus caserne que nature, l’entrée du matamore Belcore fait grande impression. De son timbre de bronze, rond et haut placé, Laurent Naouri allie de belle manière prestance vocale et verve bouffe – sans aucun doute le baryton français le plus attachant de sa génération, pour la franchise des attaques et l’abattage du jeu.

À tort l’on oublie parfois de parler des chœurs de L’elisir. Aux côtés de l’exquise Giannetta d’Aleksandra Zamojska, le Chœur de l’Opéra national de Paris s’impose par l’efficacité et la musicalité. En fosse, Edward Gardner, dirige son monde consciencieusement, évite de couvrir les voix et irise de mille couleurs les subtilités de la célèbre partition. En conclusion, un breuvage à déguster sans modération.

CC