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Chroniques
Franz Schubert
Winterreise
Considéré avant tout pour baryton (parce qu’il fut vraisemblablement écrit pour Johann Michael Vogl, chanteur et ami du compositeur), Winterreise (1827) de Franz Schubert est pourtant un cycle de Lieder abordable par toutes les voix – l’édition prévoit les divers registres –, à commencer par les ténors (écoutez Peter Anders, Wolfgang Windgassen ou dernièrement Jonas Kaufmann), mais aussi les voix féminines. Dans la continuité de Brigitte Fassbaender, le mezzo-soprano britannique Alice Coote signe cette nouvelle version, enregistrée en live dans la magnifique acoustique du Wigmore Hall (Londres). La captation concorde à ce qu’on entend dans cette salle : un son à la fois chaleureux et rond, d’une grande présence.
Commencée au nord de l’Angleterre, la carrière d’Alice Coote s’est vite développée outre-Atlantique puis en Europe, en laissant plusieurs disques au passage, notamment des Lieder de Schumann et de Mahler (déjà avec Julius Drake), des opéras – Orfeo avec Emmanuelle Haïm [lire notre critique du CD], Falstaff avec Paul Daniel – ou des œuvres orchestrales (Symphonie n°2 de Mahler avec Paavo Jarvi).
Les premières notes de Gute Nacht laissent entendre une chanteuse pas encore tout à fait en voix, qui rate l’un des premiers aigus, une relative aigreur dans le registre haut que d’ailleurs l’on constatera à plusieurs reprises dans cette exécution. La diction est très précise, même si l’on sent que la langue allemande n’est pas naturelle à l’artiste, comme dans Frühlingstraum, indéniablement malmené. Cela ne doit pourtant pas occulter une prestation en général franchement réussie dont, malgré des remarques concernant la technique vocale, ne reste pas moins le superbe engagement interprétatif. La voix n’atteint pas un état de fatigue lorsque s’achèvent ces vingt-quatre poèmes. Loin de la démonstration de chant d’un Kaufmann, Alice Coote cherche avant tout à s’approprier texte et musique pour en faire partager l’émotion, malgré la retenue avec laquelle elle en aborde certaines pages, telles Der Lindenbaum ou Der Leiermann.
Pour l’accompagner, Julius Drake utilise une palette sonore digne des plus grands, d’une délicatesse de touché rarement atteinte. Le tempo presque allègre du début, en parfaite cohérence avec le texte, prouve l’inventivité permanente du pianiste. Au fil du cycle il utilise toutes les possibilités mélodiques et rythmiques de la partition sans jamais mettre la chanteuse en défaut. Malgré la concurrence (Jörg Demus, Sviatoslav Richter, Maurizio Pollini, Daniel Barenboim, etc.), il apporte une finesse nouvelle à l’œuvre, faisant redécouvrir chaque minute, sans pathos mais avec le recul d’une maturité très présente.
Ce beau CD, issus d’un live de bon niveau, invite à ouvrir un peu plus notre écoute de cet opus, au delà des références laissées par les barytons Hans Hotter et Dietrich Fischer-Dieskau, et permet avant tout d’entendre un grand accompagnateur.
VG