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Chroniques
Franz Liszt
œuvres pour orchestre
Poursuivant son heureuse exploration de l'univers lisztien, qu'il inaugurait déjà lors de son tout premier récital au collège, avoue-t-il, Jos van Immerseel propose aujourd'hui un enregistrement d'un raffinement exceptionnel des pièces pour orchestre du grand Hongrois. Comme à son habitude, c'est avec un souci d'authenticité et de précision qu'il aborde ces œuvres, se penchant tant sur les partitions d'orchestre, dont il consulta plusieurs sources, éditées ou manuscrites, mais aussi leur premier jet pianistique, lorsque c'est le cas, sans oublier le détail de la genèse de chacune d'entre elles, que l'inspiration en fût poétique (Lamartine, Hugo, Goethe), picturale (Holbein) ou musicale (la passion dont Liszt s'éprend pour la musique tzigane), avant de consigner ses réflexions et choix interprétatifs par un texte remis aux musiciens d’Anima Eterna avant les premières répétitions du programme (et dont le livret du CD propose un résumé).
Outre la clarté des alliages timbriques qui fait l'avantage d'une exécution de ces pages sur instruments d'époque, soudain débarrassées des lourdeurs pachydermiques dont se sur-nourrissaient la plupart des chefs de l'après-guerre, le maître d'œuvre de cette fort belle galette s'est frayé un chemin passionnant dans les questions de dynamiques, de nuances et d'instrumentations qu'il a pu rencontrer. Si sa version des Préludes, poème symphonique n°3, suit pas à pas un programme largement didactique, sans surprendre plus qu'attendu notre écoute, il en va autrement des Rhapsodies hongroises n°1 etn°3 qui s'ornent de couleurs étonnantes. Ici, la partie soliste de la Totentanz est confiée à Rian de Waal, « musicien Steinway dans l'âme », comme il se définit lui-même, à qui van Immerseel a préalablement prêté durant un mois le somptueux Érard de 1886 avec lequel l'œuvre serait gravée ; ici, le jeu du pianiste sait préserver la part de fantaisie de ces variations sur le Dies Irae, tandis que l'orchestre présente des échanges d'un grand discernement, toujours très équilibrés.
Ouvrir un disque par la Totentanz et le refermer avec interprétation brillante de Mazeppa fonctionne à merveille, bien sûr, partant que son moment le plus intéressant demeure le tardif Von der Wiege bis zum Grabe, drame contenu qui enveloppe d'une tendresse protectrice le berceau, sait affirmer par une accentuation et une tonicité manifestes les vicissitudes de la vie, jusqu'aux déroutantes médiations de la tombe. De très grands moments…
BB