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Chroniques
Félicien David
Lalla Roukh
Concordance due au hasard, c’est précisément quelques mois avant que le Palazzetto Bru Zane se penche activement sur la musique de Félicien David (1810-1876) qu’Opera Lafayette, entreprise culturelle américaine spécialisée dans le répertoire français qu’elle joue sur instruments ancien, donnait Lalla Roukh au Clarice Smith Center de l’Université de Maryland. C’était la fin de janvier 2013 et une prise de son fut effectuée, de sorte que Naxos sort l’unique enregistrement disponible à ce jour de cet opéra-comique qui fit un bruit certain lors de sa création à Paris en mai 1862.
Au mois de mars, nous découvrions Herculanum, péplum romantique en quatre actes de 1859, lors de sa recréation à Versailles sous la direction d’Hervé Niquet [lire notre chronique du 8 mars 2014] – à cette occasion, nous avions rencontré Alexandre Dratwicki qui nous en disait plus long sur ce compositeur oublié [lire notre entretien]. Toute imprégnée d’orientalisme, Lalla Roukh nous revient cependant comme un ouvrage nettement plus conventionnel que son aînée. Il semble bien que David ait souhaité complaire au goût du temps plutôt qu’à titiller son inventivité, bien qu’on trouvera là quelque avant-garde de Carmen (Bizet, 1875) et de Lakmé (Delibes, 1883).
Avec un argument relativement faible se déroulant au fil d’une intrigue qu’il faut beaucoup chercher, on ne sortira guère d’un charme paisible et désuet qui, à travers un livret loin d’être impérissable, mène sans grand poids au divertissement. L’Ouverture offre toutefois des moments chambristes qui séduisent par leur tendresse, comme bien des passages de l’œuvre – tendresse est assurément son maître-mot. De fait, il s’agit de douces amours contrariées jusqu’à une fin heureuse. Ainsi le musicien promène-t-il volontiers l’écoute dans une suavité de bon aloi qui, il faut bien l’avouer, pourrait bien faire bailler aux corneilles…
Cette parution vient compléter une connaissance fragmentaire de Félicien David, sans apporter d’intérêt particulièrement déterminant. Elle est servie de façon inégale par un plateau aux qualités opposées. Bernard Deletré n’est pas toujours stable en Baskir, quand Marianne Fiset incarne le rôle-titre d’un timbre qui ne convainc pas. C’est plus certainement sur la partie de Mirza qu’on s’attarde avec plaisir, agilement tenue par Nathalie Paulin, mais encore sur celle du poète Nourreddin qu’avec bonheur l’on a confiée au ténor Emiliano Gonzalez Toro. Les musiciens nord-américains livrent une lecture satisfaisante dont on salue la nuance délicate, Ryan Brown prenant grand soin d’y ménager une savoureuse onctuosité.
BB