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Chroniques
anthologie Broadside Ballads
chansons de rue dans l'Angleterre du XVIIe siècle
Les chansons enregistrées ici étaient la pop music de leur temps ! Écrites en abondance par des écrivaillons anonymes, souvent issues des arrière-salles malpropres des imprimeurs londoniens, elles étaient produites par milliers sur du papier assez grossier, et connues sous le nom de Broadside Ballads. Chantées, sifflées, fredonnées par des amateurs de toutes conditions sociales, elles étaient achetées autant pour un divertissement domestique qu'entendues sur scène ou affichées sur le mur d'une taverne de province. Héritières de la ballade folklorique du Moyen Âge, leur âge d'or fut le XVIIe siècle.
Ces ballades, au départ de tradition orale, étaient un moyen d'expression urbain d'ampleur, destiné à informer en masse avant l'ère du journal puis du magazine, et qui touchait à tous les sujets. On peut y lire des événements historiques – le Grand Incendie de Londres, l'Armada espagnole, la longue attente du retour de Charles II, etc. – ou des chroniques sur les héros et les criminels de jadis, des allusions au passage des saisons ou à la peur de mourir. Mais, comme dans les tabloïds actuels, on y trouvait du sensationnel, à la limite du graveleux (contes luxurieux à base de mégères, de maris tripoteurs et d'exploits sexuels en tous genres).
Les Broadside Ballads ne contenaient pas de notation musicale, mais un air devenait rapidement familier, puisque facile à retenir dès qu'on entendait quelqu'un le chanter. En fait, on associait souvent un texte aux rimes souvent approximatives à une mélodie déjà connue (on imagine cependant le travail de détective d'un musicologue actuel pour retrouver une musique de tradition orale !). On notera enfin que les arrangements variés de ce disque reflètent les différents usages qu'on a fait de ces chansons : pour un intermède comique de théâtre, une intervention à un coin de rue ou dans un café à la mode, avec ou sans petit ensemble, etc.
Si l'on n'est pas rébarbatif aux mélodies enjouées et entêtantes (la palme aux sept minutes de The Crost People…), on trouvera du plaisir à découvrir ce disque. À part quelques airs en commun, les trois chanteurs de The City Waites s'y partagent la vedette à tour de rôle : le soprano Lucie Skeaping, le ténor Douglas Wootton, le baryton-basse Richard Wistreich. Les voix ont du caractère, les timbres sont épicés et gouailleurs, et l'expressivité indéniable, lorsqu'il faut incarner une veuve cancanière ou se moquer du mouvement Quaker. L'accompagnement se fait sur instruments d'époque.
SM