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Chroniques
Wuthering Heights | Les hauts de Hurlevent
opéra de Bernard Herrmann (version de concert)
Voilà une nouvelle découverte due au Festival de Radio France et de Montpellier Languedoc Roussillon qui, décidément, remplit souvent ses missions en touchant juste. Si l’on est parfois dubitatif devant les redécouvertes montpelliéraines, il faut reconnaître que la manifestation créée et animée par René Koering a touché juste, cette fois. Diffusé en direct sur toutes les radios européennes de l’UER, Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent) de Bernard Herrmann (1911-1975) est donné en version concert au Corum devant un public – hélas ! – clairsemé.
Cette œuvre au titre fameux, achevée en 1951, ne fut créée au concert qu’en 1966 à Londres, seize ans avant d’être enfin portée à la scène à Portland, dans l’Oregon. Cet opéra en quatre actes, couvrant plus de trois heures, ne reprend que la première partie du roman éponyme qu’Emily Brontë (1818-1848) publia en 1847. Le prologue se passe vingt ans après l’action principale qui se déroule en flash back, la librettiste Lucille Fletcher, épouse du compositeur, ayant ainsi répondu au vœu de son mari, auteur d’une cinquantaine de musiques de films qui rendirent son nom universel (Le rideau déchiré, Psychose, Marnie, L’homme qui en savait trop, Les oiseaux, Voyage au centre de la terre, La mariée était en noir, Taxi driver, etc.).
En homme de cinéma, le musicien traduit avec une efficacité saisissante les angoisses et le mystère du roman de Brontë, dont certaines apnées donnent le vertige – on retrouve, d’ailleurs, des prémices de partitions composées pour les films d’Alfred Hitchcock, particulièrement Vertigo et La mort aux trousses –, tandis que les origines viennoises d’Herrmann l’incitent à un expressionnisme dans l’esprit du Schönberg de Verklärte Nacht et, surtout, de Zemlinsky, auteur d’une dizaine d’opéras aux tensions exacerbées et à la sensualité paroxystiques, voire du Britannique Delius. On y trouve aussi des élans hollywoodiens plus douçâtres qui engendrent quelques tunnels, tandis que le finale du quatrième acte tombe à plat, mais la première demi-heure confine au chef-d’œuvre.
Il est regrettable qu’Herrmann n’ait pas jugé bon de resserrer sa partition, mais ces longueurs n’expliquent pas l’absence des Hauts de Hurlevent de la scène lyrique, surtout après ce qu’en donne à entendre Alain Altinoglu qui, soutenu par une distribution très cohérente, dirige l’opéra avec une passion communicative doublée d’une rigueur impressionnante. Laura Aikin est une Catherine Earnshaw déterminée mais manquant de flamme, Marianne Crebassa – jeune Montpelliéraine que vient de recruter l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris – incarne une Isabella Linton habitée à la voix voluptueuse, Hanna Schaer donne une bouleversante Nelly Dean.
Dans Haethcliff, Boaz Daniel impose une voix ferme et flexible. Vincent Le Texier livre un Earnshaw singulièrement violent et haineux, Yves Saelens un Linton éperdu. Malgré les attaques toujours approximatives des cors, l’Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon parvient à donner l’essence de cette partition dont l’enregistrement, qui vient d’en être réalisée à Montpellier, est annoncé chez Universal d’ici quelques mois.
BS