Recherche
Chroniques
Werther
opéra de Jules Massenet
Metteur en scène à la tête de l'Opéra-Théâtre de Metz, Paul-Émile Fourny ne néglige pas de participer activement à la programmation de sa maison. En témoigne l'appréciable Werther présenté par l'institution lorraine, en coproduction avec Massy et Reims. Dessiné par Benoît Dugardyn et rehaussé par les lumières réglées par Patrick Méeüs, le décor unique de tableaux gigognes joue de l'illusion de la perspective et de la mise en abyme. Il resitue habilement le drame de Goethe – et de Massenet – entre aparté littéraire et action dramatique.
Sur un banc, devant les cadres où s'inscrivent les personnages dont les poses reconstituent des tableaux qu'on croirait importés du Musée d’Orsay – impression renforcée par les costumes élaborés par Stella Maris Müller –, le héros, aux allures de visiteur de collection, esquisse un journal au fil des épreuves de son amour impossible. Pour se figer dans un dispositif unique, l'idée scénographique ne s'en montre pas moins ingénieuse, concentrant l'attention du spectateur sur le poète, sorte de victime ex machina de son destin.
Dans le rôle-titre, Sébastien Guèze s'investit intensément et exalte une psychologie tourmentée qui se reflète dans la ligne vocale, n'hésitant pas à faire valoir une certaine impétuosité, perceptible dans les aigus. Face à cette incarnation irradiante qui tend à extravertir la souffrance, Mireille Lebel focalise l'introversion de Charlotte dans une émission homogène et une sobriété théâtrale touchante, évitant tout grain larmoyant.
Le contraste avec la Sophie plus instinctive de Léonie Renaud fonctionne efficacement : la clarté du timbre sied à la juvénilité innocente, et presque naïve, de la jeune fille. En Albert, Alexandre Duhamel condense la suffisance bienveillante de l'époux installé dans la légitimité. La lucidité de la consolation qu'il livre à son infortuné ami se trouve magnifié par une intelligibilité sans reproche au sein d'un plateau qui fait généralement davantage honneur à la diction française qu'à la nécessité de surtitres que les distributions sollicitent trop souvent dans ce répertoire.
Les interventions secondaires ne transgressent pas cette qualité.
Aux côtés du Bailli émérite de Christian Tréguier, Éric Mathurin affirme un Schmidt honnête, tandis que Julien Belle fait un Johann solide. S'égayant dans le chant de Noël qui finira par devenir funeste contrepoint aux malheurs de Werther, le Chœur d'enfants spécialisé du CRR de Metz Métropole est préparé par Annick Hoerner. Quant à la direction de David T. Heusel, elle s'attache à restituer l'instinct dramatique de la partition de Massenet, tirant parti des ressources de l'Orchestre national de Lorraine pour compenser textures et couleurs, au gré des pupitres.
GC