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Chroniques
Vincenzo Bellini | I Capuleti e i Montecchi, tragedia lirica
Antoinette Dennefeld, Maria Carla Pino Cury, Davide Tuscano, etc.
L’Opéra de Toulon poursuit sa saison hors les murs avec, ce soir, l’entrée à son répertoire d’I Capuleti e i Montecchi de Vincenzo Bellini, ouvrage donné en concert à deux reprises dans la grande salle du Palais Neptune. Il s’agit aussi d’une première pour certains artistes dont, non les moindres, les deux rôles titres de Romeo et Giulietta. Et c’est un vrai tour de force que réalise Antoinette Dennefeld, actuellement distribuée dans Guercœur à l’Opéra du Rhin [lire notre chronique du 30 avril 2024], qui prend le rôle de Romeo, nouveau pour elle, entre deux représentations alsaciennes de l’œuvre de Magnard. Le mezzo français dispose d’une étendue vocale conséquente et d’une vaillante projection, en particulier dans le registre le plus aigu, chanté avec force. On entend un vibrato assez développé, en adéquation avec ce rôle travesti, renforçant ainsi le côté batailleur du personnage. La longueur de souffle est appréciable, permettant un legato soigné dans la cavatine d’entrée, È serbata a questo acciaro, tandis que les variations sont bienvenues, plus tard dans la reprise, La tremenda ultrice spada [lire nos chroniques de L’Italiana in Algeri, Roméo et Juliette, Le Comte Ory, Le portrait de Manon, Cavalleria rusticana, Carmen, Le domino noir, Don Giovanni et Falstaff].
En Giulietta, le soprano Maria Carla Pino Cury n’apporte pas les mêmes satisfactions [lire notre chronique de Rigoletto]. Certes, son récitatif, puis sa romance d’entré Oh! quante volte, oh quante!, correspondent assez idéalement à la douce mélancolie bellinienne, accompagnée par la flûte et la harpe. Même si le timbre ne séduit pas d’emblée, la voix véhicule l’émotion ; les lignes sont aériennes et les nuances subtiles. Mais dès que le tissu orchestral s’épaissit un tant soit peu, l’instrument peine à émerger. Ce déficit de puissance déséquilibrera plusieurs duos et ensembles. Distribué en Tebaldo, le ténor Davide Tuscano est une belle découverte [lire notre chronique d’Il trovatore] : le timbre agréable et ensoleillé, d’un volume confortable sauf dans la partie grave, plus discrète, la ligne vocale est élégante pour conduire ses airs élégiaques. Le chanteur ne manque pas d’énergie lors des cabalettes. Pendant le second acte, son duo avec Romeo forme, dans ces conditions, l’un des sommets vocaux de la soirée. Parmi les deux basses, Patrick Bolleire (Capellio) et Önay Köse (Lorenzo), ce dernier est doté d’une voix naturellement volumineuse et superbement timbrée, d’un grave abyssal et d’une diction claire.
L’Orchestre de l’Opéra de Toulon est placé sous la baguette du chef italien Andrea Sanguineti, directeur musical de l’Aalto-Musiktheater d’Essen depuis cette saison [lire notre chronique de Maria Stuarda]. Les musiciens font preuve d’une sérieuse préparation. Les rythmes sont précis, en particulier par les cordes, sollicitées en virtuosité dès l’Ouverture. L’ensemble des interventions solistes des bois et des cuivres sont techniquement solides et d’une interprétation inspirée – en premier lieu, le cor, instrument souvent capricieux, mais aussi la flûte et la clarinette. Le Chœur maison s’avère, en revanche, plutôt décevant, pas toujours d’une justesse absolue ni d’un son homogène. Par ailleurs, même en considérant que son placement en fond de plateau n’est pas favorable à la puissance sonore, la présence vocale se révèle souvent un peu maigre.
IF