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Chroniques
Variations Goldberg par Víkingur Ólafsson
Très belle initiative que celle de la Phiharmonie de Paris qui, sans qu’il soit question de commémorer un anniversaire, fut-il de mort ou de naissance, propose un Week-end Solo Bach qui, en réalité, occupe rien moins que cinq jours avec une dizaine de rendez-vous musicaux. Avec une naïveté que d’aucuns estimeront coupable, sans doute à juste titre, nous avons choisi de venir écouter les Variations Goldberg BWV 988 (1741) par un jeune pianiste islandais que recommande grandement un remarquable travail publicitaire et que nous ne connaissions pas encore. Nous restons convaincus de l’utilité d’aller écouter au concert des artistes que nous ne connaissons pas encore, malgré la triste expérience vécue ce soir à la Cité de la musique.
Imaginez un enfant capricieux qui geint pour obtenir des friandises… et vous aurez déjà une idée de la façon dont est ici jouée l’aria augural qui génère les Goldberg. Dans une aura plus que généreusement pédalisée, Víkingur Ólafsson articule un Bach vaporeux, voire sentimental, qui bat des cils et soupire à regarder la lune (…inutile, d’ailleurs, de savoir celle de qui…). Dans un silence plus sacré que religieux, tant la salle s’est remplie d’un public acquis et même captif, le musicien enchaîne bientôt des variations brutales lorsqu’elles sont fermes, cruellement boulées lorsqu’elles ne sont que rapides, enfin heurtées, pour ne pas dire tapées – au fond, c’est nous qui sommes gravement tapés de nous être assis là. Tout juste trouvera-t-on dans les agréments une relative délicatesse de conception de l’interprétation, quand le grand prêtre veut bien ne pas transformer en figures de transition les premières mesures de la variation qui suit, selon une souplesse qui tient plutôt de l’élasticité. Immanquablement, les numéros doux et plutôt lents font l’objet d’une méditation pâmée dans l’empesage assoupi d’une intériorité qui reste à découvrir, sinon à prouver.
Comment comprendre les choix de relief dans une polyphonie qui se suffit à elle-même ? Mystère que notre ignorance ne saura percer. Par monts et par vaux, cette curieuse lecture bondit de-ci de-là comme elle peut, nous abandonnant bientôt à une puissante déréliction. Les élucubrations jazziques ne nous seront point épargnées, on pouvait au moins compter là-dessus… Il est 21h15 lorsque, dans un respect qui tient de la bondieuserie, les mains commencent à faire clap et que prestement nous nous extrayons du temple pour retrouver à respirer au dehors. Parce qu’il nous paraît parfaitement inutile de lancer des grenades sur les corbillards, nous nous promettons de ne plus jamais aller écouter ce long corbeau du Grand Nord.
BB