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Chroniques
trois grands motets d’Antoine Esprit Blanchard
Les Passions, Les Éléments, Jean-Marc Andrieu
Si les XIXe et XXe siècles sont largement présents au festival de Radio France en terre occitane, le XVIIIe n’est pas oublié, comme ce fut le cas hier par la mise en regard de Caprices signés Sciarrino et Locatelli, et de Suites élaborées par Britten et Bach. Prélude au concert de 20h, ce jour, quatre solistes de l’ensemble Pulcinella s’installent Salle Pasteur pour jouer le Cantor de Leipzig et son fils cadet, Carl Philipp Emanuel (1714-1788). Avec trente ans de différence d’âge, leurs styles présentent d’évidents contrastes de fond et de forme, lesquels confirment l’originalité du plus jeune. Pour notre part, nous avons préféré les Sonates BWV 1027 et BWV 1028, dialogues entre le clavecin (d’après Pascal Taskin, 1769) joué par Francesco Corti et le violoncelle Francesco Goffriller (1737) tenu par Ophélie Gaillard – ce dernier se goûtant mieux quand reposent les violons de Thibault Noally et Nicolas Mazzoleni.
Antoine Esprit Blanchard (1696-1770) occupe à lui seul une soirée sous-titrée Magnificat à la Chapelle Royale de Louis XV. Enfant à la voix magnifique, ce natif du Vaucluse chante d’abord dans une église d’Aix-en-Provence, sous la direction de Guillaume Poitevin qui forma aussi Gilles et Campra, avant de devenir maître de musique à Marseille. Il œuvre ensuite dans divers lieux saints de Toulon, Besançon, Amiens, et commence à se faire jouer à Paris. Un roi sensible à son art et l’estime de Campra lui ouvrent les portes de la Chapelle Royale en 1738. Il y remplace Bernier comme sous-maitre à l’un des quartiers, et ce jusqu’à sa mort.
Dans le premier tiers du XVIIe siècle, des musiciens tels Formé, Bouzignac, Moulinié, puis Du Mont et Robert ont contribué à l’éclosion du grand motet, ou motet à grand chœur, typique de la musique sacrée d’une France baroque, que défendrait longtemps le Concert Spirituel (1725-1791). Lully, Charpentier et surtout Delalande maintiennent la tradition qui perdure jusqu’à la fin du siècle suivant, grâce à Rameau, Mondonville, et celui que la postérité laisse dans leur ombre, Blanchard. Ce dernier en compose plus d’une quarantaine conservée à la Bibliothèque nationale, parmi lesquels deux inédits encore sous l’influence de Delalande et de l’Italie, De profondis (1740) et Magnificat (1741), ainsi qu’In exitu Israel (1749). Conçu d’après le Psaume CXIII, cette pièce est marquante par son caractère pictural : ici, à la vue de Dieu, la mer s’enfuit et la terre tremble ; face à lui, « les idoles des nations ne sont que de l’or et de l’argent ».
Habitués à défendre les créateurs méridionaux depuis maintenant trente ans (Gilles, de Montigny, etc.), Les Passions et son directeur artistique Jean-Marc Andrieu inaugurent posément un programme redonné en octobre à Montauban puis à Toulouse. Cordes, bassons, cors, piccolos et timbales se succèdent en donnant à chaque pièce un ton particulier. Le chœur de chambre Les Éléments est idéal dans la ferveur joyeuse, rendue avec équilibre et nuance. Plus sollicitée qu’Anne Dibon-Lafarge, le dessus Anne Magouët séduit par un chant bien mené, plein et corsé. Malgré quelques dérapages, l’attachant François-Nicolas Geslot est une haute-contre riche en corps, souffle et clarté. Enfin, en place des taille et basse-taille, on trouve Bruno Boterf et Alain Buet, sonores et sans failles.
LB