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Chroniques
Tannhäuser
opéra de Richard Wagner
Il est des productions d’opéra qui, sur le papier, s’annoncent sous les meilleurs auspices. Ce nouveau Tannhäuser amstellodamois, joué dans la version de Vienne (1875), en fait partie. On retrouve un metteur en scène dont le travail sur les Gezeichneten au festival de Salzbourg nous combla [lire notre chronique du 4 août 2005], une distribution prometteuse, composée de wagnériens expérimentés, et un chef d’orchestre dont l’excellence dans ce répertoire n’est plus à prouver. Pourtant, le spectacle s’avère assez décevant.
Possédant un solide bagage de metteur en scène de l’œuvre du maître de Bayreuth, Nikolaus Lehnhoff se prend les pieds dans le tapis. Favorisant l’esthétisme gratuit et les symboles intemporels, son travail s’égare vers un kitsch qui, malheureusement, prête plus à sourire qu’à émouvoir. Il est peu aidé dans sa tâche par les costumes d’Andrea Schmidt-Futterer dont on peine à saisir le sens : que faut-il voir dans un concours de chant dont les participants sont revêtus de queue de pie jaune doré, chez des pèlerins en tenues antiradiation ? Le comble est atteint par l’immonde robe noire de Venus. Chorégraphe presque attitré du monde lyrique, Amir Hosseinpour livre ici un travail consternant : des larves roses se meuvent sur le sol lors des Actes I et III. Doubles ? Esprits ? Impossible de déterminer le sens de ces danses. Pris dans ce flot énigmatique, le scénographe allemand livre une réalisation prévisible qui ne fouille guère le caractère des personnages et où gesticulation ou statisme tiennent lieu de direction d’acteur.
Vocalement, ce n’est pas non plus Byzance !
Pour sa seconde prise de rôle wagnérien de la saison (après Tristan à La Monnaie), le ténor américain John Keyes livre une prestation des plus mitigées. Sans être sévère, on peut qualifier son premier acte de catastrophique. Rien ne va : timbre braillard, fautes d’intonation, mauvaise articulation. Pourtant, au fur et à mesure de la matinée, le chanteur se chauffe pour livrer un Acte III plus convaincant mais entaché d’une incapacité à dire le texte. Il faut également considérer sa propension à pousser un peu trop la voix. On ne peut que conseiller à John Keyes de se ménager un peu : Siegmund impérial dans ces mêmes lieux, son organe montre d’aussi inquiétants que précoces signes de fatigue.
Fidèle du rôle de Wolfram von Eschenbach qu’il chante sur les plus grandes scènes du monde, Roman Trekel est en méforme. Si le timbre de velours est toujours séduisant, il peine à passer l’orchestre. Vétéran de la distribution, Kristinn Sigmundsson s’impose facilement en Hermann. On peut saluer sans réserve les autres jouteurs vocaux : Marcel Reijans (Walther von der Vogelweide), le toujours excellent Werner van Mechelen (Biterolf), David Griffith (Heinrich der Schreiber), Cornelius Hauptmann (Reinmar von Zweter). Côté féminin, Petra Lang surprend par la banalité de son chant. En dépit d’un timbre un peu dur, Martina Serafin livre une superbe prestation en Elisabeth ; par la musicalité et l’aisance vocale, cette chanteuse autrichienne est la révélation du spectacle [lire notre chronique du 31 mars 2005].
Le miracle de la production survient de la fosse.
À la tête d’un Nederlands Philharmonisch Orkest souverain et exemplaire d’engagement, de puissance et de fluidité, le grand Hartmut Haenchen livre une véritable leçon de direction wagnérienne, liant finesse et tension dramatique. Bien préparé par Martin Wright, le Koor van De Nederlandse Opera fait valoir ses belles couleurs dans les nombreuses interventions que lui réserve la partition.
PJT