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Chroniques
solistes de l’Ensemble Intercontemporain
œuvres de Furrer, Kyburz et Stockhausen
Cet après-midi, les musiciens de l’Ensemble Intercontemporain donnent un concert de pièces anciennes de Karlheinz Stockhausen [photo], en guise d’adieu à une manière qu’il devait abandonner vite en tentant de libérer son écriture dès les années soixante par des œuvres ouvertes, des études électroniques ou des expériences d’éclatement de l’orchestre dans l’espace, comme nous l’aborderons la semaine prochaine avec Carré.
Pour commencer, nous entendons Kontra-Punkte, écrit sous l’inspiration du Concerto Op.24 de Webern en 1952 par un Stockhausen soucieux de contrôler absolument tout geste musical, toute production sonore, chaque alliage de timbres, type d’attaque, etc. Le résultat est une pièce extrêmement rigide, assez austère, pour dix instruments : violon, violoncelle, flûte, clarinette, basson, trompette, trombone, saxophone, harpe et piano. Si l’exécution des solistes de l’EIC rend compte du but autant que de la structure, Kontra-Punkte n’en paraît pas moins abstrait et aride. La seule échappée d’une froideur ultra sérielle consiste en la sonorité ronde et flatteuse des interventions de la clarinette. La réalisation est minutieusement soignée, chaque trait bénéficiant d’une grande précision individuelle autant que d’une écoute qui permet d’en parfaitement respecter les effets de mariages, de fondus et de contrastes. C’est le piano qui termine seul, dans une sorte de condensation des points.
Écrit un an auparavant, Kreuzpiel pour ensemble amplifié semblera moins radical. L’interprétation d’aujourd’hui profite de chaque timbre, sans la sécheresse précédente. Avec le recul des quelques quatre décennies à nous séparer de l’œuvre, ses rythmes se révèlent plus ludiques qu’étonnants. On y apprécie particulièrement l’art précis et nuancé du pianiste Michael Wendeberg.
Avec Kreuzpiel et Kontra-Punkte, nous abordons deux pages de moins de dix ans : Nunn du compositeur et chef d’orchestre suisse Beat Furrer et Parts de Hanspeter Kyburz. La première s’ouvre comme une déambulation effervescente dans une écriture rythmique profuse et une intensité sonore presque toujours tonitruante dans laquelle, cependant, l’on perçoit des équilibres soignés ; peu à peu, tout s’apaise, tant en volume qu’en mètre, tendant ainsi à donner l’impression d’un temps suspendu par contraste avec la première inventivité orgiaque. C’est magnifiquement brillant, et l’EIC sert au mieux cette première audition française. La seconde débute en fanfare et emprunte de multiples traits à Takemitsu et à Maderna dans les échanges vents-harpe du premier mouvement. Le second est en apparence déconstruit, amenant en troisième partie une sorte de somme anecdotique des procédés de tantôt. Si l’exécution est irréprochable, on remercie intérieurement le brouillard d’un roulement de grosse caisse venu enfin nous libérer d’une œuvre, pour tout dire,assez « barbante ».
BB