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Chroniques
récital Maurizio Baglini
Ferruccio Busoni transcripteur de Bach
Inauguré il y a près de quatre semaines [lire notre chronique du 13 novembre 2014], le cycle back to Bach se poursuit à l’Auditorium du Musée d’Orsay, avec ce récital du pianiste italien Maurizio Baglini dont la teneur s’annonce des plus intéressantes, à l’exclusion, peut-être, de cette pochade busonienne à la manière de Liszt sur Bizet dénommée Sonatina super Carmen – mais le public parisien est toujours heureux de se sentir autorisé à chantonner, sourire aux lèvres, voire à siffloter les thèmes bien connus de son opérette préféré… Avant et après cet épisode croquignolesque, nous entendons cinq transcriptions d’œuvres de Johann Sebastian Bach par Ferruccio Busoni, le virtuose du début du siècle dernier, compositeur inspiré qui s’est beaucoup interrogé sur la modernité et son inscription dans l’Histoire de la musique, à l’instar de quelques-uns de ses contemporains [lire notre chronique du 2 septembre 2008].
Ce rendez-vous de la mi-journée est ouvert avec l’éclatante Chaconne de la Partita pour violon solo en ré mineur BWV 1004 n°2, un morceau de maître plusieurs fois adapté au fil de temps. Parmi les nombreuses transcriptions effectuées par Busoni, les pages de Bach occupent la place principale, soit environ un tiers de cette production qui par ailleurs visite Mozart, Beethoven, Liszt, entre autres, et parfois même Liszt paraphraseur des anciens. Installé à Berlin depuis deux ans, le trentenaire s’attelle à cette fameuse Chaconne dont les premiers pas font leur effet. Après une exposition assez autoritaire, Maurizio Baglini ciselle les variations, soignant une dynamique volontiers inventive qui ose s’approcher même des confins du sonore. Le dessin s’en fait d’une délicatesse implacable, pour ainsi dire, par-delà un usage par moments un peu trop généreux de la pédale. Au choral d’apparaître dans des nimbes impalpables, aura de douceur secrète.
Pourtant, la conclusion de la Chaconne est soudain heurtée, annonçant le principal désagrément à venir dans la suite du concert. Réalisés très tôt, les Chorals BWV 615, BWV 659 et BWV 645 sont vraisemblablement ce que l’on peut entendre le plus souvent des travaux de Busoni. L’équilibre d’In dir ist Freude se trouve malmené, détachant le chant jusqu’à nier l’harmonie. Outre qu’il gagnerait à ne point si vite courir les prés, Nun komm, der Heiden Heiland accuse un crescendo brutal puis une trop copieuse emphase. Après cet amphigourique Stollen des fêtes toutes proches, Wachet auf, ruft uns die Stimme s’embrouille dans un tissage brumeux au tempo incertain, plutôt qu’à élever sa lumière par une lixiviation propice.
Avec son goût immodéré pour la virtuosité à tout prix, notre Toscan ne fut peut-être pas l’artiste le plus recommandable pour se pencher sur la (trop) célèbre Toccata et fugue en ré mineur BWV 565. Il faut avouer croiser dans sa version cet aveuglement assez sot qui sut grandement faire enrager Arnold Schönberg – lui confiant la partition de ses Drei Klavierstücke Op.11 dans l’espoir de les entendre sous ces illustres doigts, il en reçut une version « corrigée » truffant l’originale de ces terribles rehausseurs de goût qui des pianistes firent des monstres à cinq mains (au moins !...). La chose a peu d’intérêt, donc, et l’interprétation du jour s’avère trop cogneuse et approximative pour qu’on y puisse goûter quelque plaisir. Dommage.
BB