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Chroniques
récital français de Michael Spyres
Jean-François Heisser et l'Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine
Embarqué à travers l'Europe dans une brillante carrière amorcée aux États-Unis, Michael Spyres veut se faire l'écho de certains des grands chanteurs français du XIXe siècle, tels Gilbert-Louis Duprez et Adolphe Nourrit. Le très singulier ténor se pose à l'Opéra Comique comme l'oiseau figurant au logo de l'institution, c'est-à-dire avec un naturel très sympathique, pour un grand récital inoubliable.
Quelle entrée de rêve, vivifiante et épique, lui réserve l'Orchestre de Chambre Nouvelle-Aquitaine ! Au superbe élan des violons répond l'entame vocale digne d'un prêtre pour « Ô Dieux, écoutez ma prière ». Cette rareté extraite de l'Ariodant d'Étienne Méhul (1799), grâce aux bons soins du Palazzetto Bru Zane, ouvre justement, et dans l'inédit, la soirée dévolue à de grands airs de l'opéra-comique. Et déjà, poursuivant en cavale le rythme gagné par l'orchestre jusqu'au bord de l'invective, se distingue le timbre si clair, avec souffle dans la longueur et amplitude. En terrain plus connu, la Chanson de Kleinzach (tirée des Contes d'Hoffmann d'Offenbach) gagne ensuite l'ovation en produisant tout son effet. Comique, certes, comme se montre la formation instrumentale, irrésistible à la reprise, et le chanteur, toujours bien dans le rôle (jusqu'à se retenir fort de danser !), mais aussi admirable (ce « Voilà » aussi exact que stratosphérique !) et même fort troublant de vérité pour le poignant récitatif intégré.
Entre l'écueil d'un romantisme trop artificiel (Nature immense ; La Damnation de Faust de Berlioz) ou trop fragile (à travers la fugitive poésie Ah ! Viens dans la forêt profonde ; Lakmé de Delibes) et l'évidente formule gagnante de fermeté, d'alerte et de rocaille haussée d'un bel accent de désir (Elle va paraître ; Louise de Charpentier), l'ardent ténor se tient bien en place dans notre grand répertoire lyrique [lire nos chroniques du 31 août 2014, des 2 février, 17 avril et 15 septembre 2017]. Oiseau-mouche surnaturel joyeusement collé à l'opéra français, s'en faisant la voix délicate mais encore si attirée par l’ascension : ainsi paraît-il dans l'étonnante interprétation de La fleur que tu m'avais jetée (Bizet, Carmen). Mais encore, suprême impression du concert, le meilleur d'un timbre en si bel alliage semble se révéler comme on atteint la quintessence du genre avec Manon de Massenet et son air d'amour fougueux de Saint-Sulpice. Ou bien, si, à l'inverse (du particulier au général) le sentiment d'attraction et de reconnaissance du plaisir trouvé dans un air invite à plonger dans l'opéra dont il provient, en respectant tellement bien l'équilibre original de l'air Adieu, Mignon, courage, comment ne pas avoir envie d'aller voir Mignon d'Ambroise Thomas ? En jetant ce sacré petit bouquet opératique, augmenté en bis du délirant Mes amis, écoutez l'histoire (Adam, Le postillon de Longjumeau) et d'une autre Chanson de Kleinzach encore plus intense, Michael Spyres prend un soin magnifique à rappeler de nous rappeler de lui.
En outre, l'écho des grandes heures de l'opéra-comique revient aussi grâce aux pièces orchestrales, aussi vivantes que les délicieux airs de danse de Lakmé. S'y ajoutent certains passages de Carmen porteurs d'une magistrale leçon de musique, à découvrir tant de finesse, d'harmonie et de passion dans le traitement de la danse bohème, tout particulièrement. Avec autant de réussite, le chef aux doigts de fée Jean-François Heisser dirige jusqu'aux portes géniales de l'opera buffa, une Ouverture de L'Italiana in Algeri (Rossini) bien servie, avec sa part généreuse d'allégresse, qui laisse un goût divin – un gâteau des anges, dirait-on, gourmand de forcer le trait d'union entre le chanteur originaire du Midwest et le fronton de scène du théâtre parisien.
FC