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Chroniques
récital du Sonar Trio
créations de pièces d’Abedian, Vetrano et Wijnand
Avec le soutien de différentes fondations (Ernst von Siemens, Francis et Mica Salabert), l’Association des Compositeurs Iraniens de Musique Contemporaine (ACIMC) présente la première édition d’un festival prometteur, forte de six concerts donnés du 16 au 18 novembre dans divers locaux de la Cité Internationale Universitaire de Paris (Fondation Deutsch de la Meurthe, Collège Franco-Britannique, etc.). En confiant à trois formations musicales l’exécution de pièces d’une dizaine de minutes en moyenne (Ensemble Alternance, KNM Ensemble Berlin, etc.), les organisateurs peuvent accueillir plus d’une vingtaine de créateurs, pour la plupart nés et formés à Téhéran durant les deux dernières décennies du XXe siècle*.
Chaque programme prônant la mixité avec l’Europe (Andre, Dusapin, Hervé, Jamar, Lachenmann, Maintz, Pauset, etc.), le Sonar Trio joue seulement deux natifs de la capitale iranienne, ce soir. Karen Keyhani (né en 1979) est issu d’une génération en lien avec la tradition – l’étude du santour et du daf dès l’enfance, en ce qui le concerne – mais aussi tournée vers l’Ouest. On the Wet Road (2014) témoigne d’un goût pour la diversité esthétique (virtuosité pure ou romantique, dépouillement minimaliste, etc.) dans une pièce qui rappelle parfois les sonates de Boulez [lire notre critique du CD]. Malheureusement, comme c’est le cas dans nombre de lieux de la Cité, des bruits de conversations, provenant du hall d’accueil de la Maison de Norvège qui jouxte la salle, viennent gâcher les pianissimi.
Arsalan Abedian (né en 1984) a lui aussi démarré l’étude de la cithare nationale à l’âge de dix ans, avant d’entrer dans le nouveau millénaire avec un engouement accru pour l’électronique. Les possibilités sonores de l’outil influencent peut-être le musicien qui ne peut se contenter d’un trio conventionnel pour la création mondiale de Caen 1305 II. Ici, Vanessa Sotgiu place des cales entre les cordes de son instrument qu’elle joue ensuite avec des phonèmes criés. Un ping-pong verbal s’engage avec Marco Delisi, plus calme de voix que de souffle, sa flûte rivalisant avec un piccolo lorsque vrombit la clarinette basse. Un retour à la quiétude, avec des notes longues, préparent une succession de soli, puis un unisson d’accords apaisés qui sert de finale.
Passons sur Le merle noir (1952) de Messiaen pour nous intéresser aux pièces italiennes qui complètent le programme. Marc Wijnand est certes luxembourgeois, mais I cricri della pace est bel est bien nommé avec la langue de Dante. Sa matière nous plaît (flûte quasi japonaise ou blanche, frappes du piano, jeu sur les cordes, etc.), au service d’une avancée fragmentaire. Mais, déjà lâche, le tissu se découd après six minutes, marquant une sorte de surplace assez gênant. Courte page pour clarinette basse du Romain Marcello Panni (1940) que défend Roberto D’Urbano, Nocturne 2 (2017) perd aussi son pouvoir d’attraction à l’issue d’un départ assez lyrique – un motif répété qui hachure une mélopée envoutante, chaleureuse et ouatée.
Terminons avec Roberto Vetrano (1982) et l’un de ses principaux maîtres, Ivan Fedele (1953). Déjà récompensé par de nombreux prix depuis le début de la décennie, le cadet offre avec La città del sole une pièce riche, équilibrée et circulaire. On y quitte de tendres voiles sonores (résonnances des cordes tirées, flûte au grand souffle, cliquetis des clés de clarinette) pour un tourbillon fait d’accentuations brèves, de volutes inquiètes qui tentent plusieurs fois l’apaisement, avant de retrouver la tendresse initiale. Chez l’aîné, un même effectif anime Imaginary Islands (1992) où, aérée par un moment bucolique ou un solo introspectif, une énergie multi-facettes (frémissante, dionysiaque, etc.) finit par décroitre, sommeiller et s’endormir. Un bien beau voyage !
LB
* Fariba Alipour, Ashkan Behzadi, Mozhgan Chahian, Hesamedin Darabi, Parviz Davoudi, Atefeh Einali, Ali Gorji, Mehdi Kazerouni, Ehsan Khatibi, Mehdi Khayami, Amin Khoshsabk, Idin Samimi Mofakham, Ali Moghtadaei, Rojin Monibi, Afshin Motlaghfard, Soheil Movaghar, Rouzbeh Rafie, Nima Atrkar Rowshan, Iradj Sahbai, Seyed Mohammad Tonkaboni, Arash Yazdani, Nastaran Yazdani, etc.