Chroniques

par bertrand bolognesi

récital du contre-ténor Cameron Shahbazi
avec le pianiste Jeff Cohen

Paris Sainte Chapelle Opera Festival
- 20 avril 2024

Dans le cadre de la seconde édition du Paris Sainte Chapelle Opera Festival dont le quatrième week-end bat son plein, nous assistons ce soir à un récital de Cameron Shahbazi. Après un moment sopranistique il y a quelques jours [lire notre chronique du 1er avril 2024], nous retrouvons donc ce bel endroit dans les hauteurs du contre-ténor qui, pour programme, a choisi de promener l’écoute entre arie baroques et songs élisabéthaines, mâtinées d’arrangements divers et variés de nombreux emprunts à la musique commerciale plutôt qu’à la traditionnelle, contrairement à ce qui fut préalablement annoncé.

Avec un timbre fort charismatique, le jeune artiste accroche positivement l’oreille, de même que l’excellent Jeff Cohen, régulièrement apprécié au côté des chanteurs [lire nos critiques de ses enregistrements dédiés à Benjamin Godard et à Fernand de La Tombelle]. Si la voix trouve aisément de quoi magnifier son impact sous la voûte étoilée de la Sainte-Chapelle, il n’en va pas de même du quart-de-queue Steinway dont l’éclat rebondit de part et d’autres jusqu’à brouiller complètement la perception de l’instrument. L’acoustique de l'édifice n’est assurément pas faite pour cet exercice, à moins d’y convier, peut-être, un consort violiste, voire un théorbe ou un luth plutôt qu’un piano, parfaitement inapproprié.

Outre cet effet involontaire et très gênant, la teneur même du menu pose problème. De quoi s’agit-il ? Si le but est d’attirer là un public qui d’habitude ne fréquente pas les salles de concert dans l’espoir qu’il s’y déplace un jour, nous ne croyons pas un seul instant que ce public poussera la porte de nos auditoriums après avoir goûté le cocktail du jour où rien ne nécessite de concentration, où ne règne qu’une complaisance souriante et même un brin vulgaire qui ne fait guère honneur aux artistes : il y a là, bien plutôt, une entreprise d’acculturation certaine qui pourrait presque s’imposer, bien que sans intention de l’être, en fossoyeur de l’art. Pour tout dire, l’on en sort avec l’intime conviction de s’être trompé d’adresse : ce n’est pas ici qu’il faut venir écouter de la musique car, au fond, l’on n’en joue presque pas. Désœuvré entre un samedi après-midi de shopping et son dîner à une adresse dûment répertoriée dans son guide de voyage, le touriste étranger se sera vraisemblablement trouvé bienheureux de gentiment somnoler sous la flatterie sonore – pas nous.

BB