Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Cecile Licad
Beethoven, Chopin, Knussen, Liszt et Schumann

Théâtre de la Ville, Paris
- 13 mars 2004
la pianiste Cecile Licad
© dr

Pour son premier récital parisien, Cecile Licad choisi d’honorer le répertoire romantique, faisant la part belle à Chopin, puisque la seconde partie de ce moment se consacrera entièrement aux Études Op.25. Elle ouvre un programme généreux par la redoutable Sonate en sol mineur Op.22 n°2 de Robert Schumann. Elle se jette, pour ainsi dire, dans le premier mouvement en déployant beaucoup de force, beaucoup trop, en fait, ne laissant jamais les choses se faire par elles-mêmes, mais dirigeant chaque contraste, chaque phrase, avec un volontarisme qui rend son jeu non seulement brutal mais souvent approximatif. Dans l’Andantino, elle retrouve une salutaire souplesse, usant d’une articulation délicate qu’elle met au service de nuances sensibles. En revanche, ne faut-il pas relativiser l’indication du Scherzo : les pianos que connut Schumann ne sonnaient pas comme ceux d’aujourd’hui, assécher autant la frappe est trop radical. Le Rondo bénéficie d’un jeu plus équilibré dans l’ensemble, justement expressif. Cette lecture se révèle globalement inquiète, parfois chaotique ; à la décharge de l’artiste signalons un piano étonnamment mal réglé – aigus qui claquent, médium faux qui se désaccordent allègrement au fil du concert, graves qui tournent.

Après Schumann, Cecile Licad propose une brève visite à la musique du XXe siècle à travers Prayer Bel Sketch Op.29 d’Oliver Knussen, écrit en 1997 et dédié au compositeur japonais Toru Takemitsu disparu un an plus tôt. La jeune femme y développe un superbe travail de couleur, tant précis que subtil. Elle semble inventer chaque trait, rendant la pièce parfaitement naturelle. On goûte un raffinement comparable dans son exécution d’Au bord d’une source,extrait de la Première Année de pèlerinage de Ferenc Liszt, qu’elle donne avec beaucoup de poésie dans une sonorité toujours fine.

La première partie du récital se referme sur la Sonate en mi bémol majeur Op.81a n°26 « Les Adieux » de Ludwig van Beethoven : on y rencontre les mêmes soucis que dans Schumann, avec un propos général peu tenu, caractérisant une lecture échevelée et souvent discordante qui déstabilise l’auditeur. Indéniablement, Cecile Licad possède de véritables qualités, mais fâcheusement inégales.

Enfin, nous l’apprécions dans l’Opus 25 de Frédéric Chopin, une écriture qui lui convient particulièrement. Elle ciselle des raffinements exquis, donnant une Étude n°1 très nuancée dans une sonorité délicate, une Quatrième joliment articulée, une Septième fabuleusement méditative, tandis que les brillantes dernières souffrent d’une pédalisation trop lourde sur un instrument, à ce moment du concert, complètement déglingué. C’est aussi la charge de l’artiste que de vérifier son piano : on n’incriminera donc certainement pas le Théâtre de la Ville dont on suit régulièrement la programmation sans avoir jamais à souffrir de tels maux. Gageons que cet après-midi était un mauvais jour pour la pianiste, comme cela peut arriver à tout un chacun d’en connaître, et promettons-nous de l’entendre sous des astres plus favorables.

BB