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Chroniques
Quatuor Velasquez
création du Quatuor n°4 de Daniel Kessner
Non sans une certaine excitation, traversons en hâte la grande halle de La Cité (rebaptisée Central Park pour l’occasion), afin d’assister à notre premier rendez-vous de La Folle Journée dans la petite salle Nabokov (pertinent exemple d’un écrivain russe naturalisé américain), qui donne l’opportunité d’une double découverte : celle du quatuor nantais Velasquez constitué de Marian Iacob Macuica (premier violon), Gilles Bouras (second violon), Loïc Massot (alto) et Cécile Grizard Cueto (violoncelle) – qui n’est autre que la petite-fille du grand guitariste classique (et flamenquiste) barcelonais Ramon Cueto – à laquelle s’ajoute l’unique création mondiale du festival, le Quatuor n°4 du Nord-américain Daniel Kessner. Né en 1946 à Los Angeles, Kessner embrasse une triple carrière de compositeur, flûtiste et chef d’orchestre. Avec aujourd’hui près de cent trente opus, son catalogue oscille constamment entre musique de chambre, orchestrale et chorale.
Sous le regard bienveillant du maestro installé en fond de salle, l’œuvre est brièvement introduite par le premier violon, qui en présente quelques enjeux (tempi, articulations, etc.) : « cette pièce n’est pas très facile » avouera-t-il en s’empressant d’ajouter que le quatuor est ravi de pouvoir la créer. Que retenir d’un tel opus qui pose sans doute une pierre supplémentaire à l’énigme américaine ? On passe du presque-rien à plisser l’oreille, dans un discours très harmonique et lyrique toujours sous-jacent, à un florilège d’accents où le modèle bartókien semble tout proche, sur patterns et boucles minimales (réparties dans tout l’espace du quatuor : relais alto/violon II, violon I/violoncelle, etc.) – un bien détonnant mélange entre le lyrisme de la ligne, une vocalité bien en phase avec l’idée qu’on peut se faire du post-modernisme à l’américaine et le groove de la boucle, du pattern (sans déphasage) avec accents qui, bien que d’abord traité isolément, finit par structurer l’ensemble. La contemporanéité étasunienne est-elle à chercher dans cette multiplicité ? Annoncée comme difficile, cette page d’un seul tenant est parfaitement conduite par le Quatuor Velasquez dans un son riche et homogène, la préparation, sans conteste sérieuse, permettant communication optimale et respirations bienvenues.
La deuxième partie du programme, dans laquelle le guitariste Michel Grizard rejoint l’équipe Velasquez, fait entendre la musique d’un grand exilé entre Espagne, Italie et États-Unis, Mario Castelnuovo-Tedesco (1895-1968) [photo] à travers son Quintette en fa majeur pour guitare et quatuor à cordes Op.143 (1950). Au delà de ses influences multiples (Sarabande du deuxième mouvement, échos américains du troisième), cette musique surprend plutôt par la particularité et le traitement de son effectif instrumental. Pas toujours concertante, elle permet également à la guitare soliste de se fondre dans le tutti. Aux qualités du quatuor se joignent celles du guitariste, particulièrement convaincant, tout en contrôle et dans un investissement sans faille.
NM