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Chroniques
Pygmalion, opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau
La muse de l’opéra, cantate de Louis-Nicolas Clérambault
L’opéra-ballet en un acte de Jean-Philippe Rameau, conçu sur un livret de l’avocat Sylvain Ballot de Sauvot, Pygmalion (1748), ne possède pas les proportions suffisantes à occuper toute une soirée, semble avoir pensé la chorégraphe Natalie van Parys lorsqu’elle s’est lancée dans cette aventure. Coproduit pas le Musikfestspiele Potsdam Sanssouci où il fut joué en juin de 2016, le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) et l’Innsbrucker Festwochen der Alten Musik, son spectacle est repris pour deux représentations dans la capitale tyrolienne. La pièce de Rameau est précédée de l’Ouverture des Fêtes d’Hébé du même Rameau (1739), de la cantate La muse de l’opéra ou Les caractères lyriques de Louis-Nicolas Clérambault (1716), compose sur un livret de François-Augustin Paradis de Moncrif, d’un mouvement de La Terspichore (1720) de Jean-Féry Rebel et, de ce musicien passionnant, la fantaisie Les caractères de la danse (1715), ces quatre pages formant un prologue de belle teneur.
L’idée était plutôt bonne… sur le papier.
Avec la complicité d’Alain Blanchot pour la vêture et d’Antoine Fontaine quant aux décors, Natalie van Pary articule une pantomime enchaînée dont le cœur est une grande fontaine ornementale, avec médaillon, têtes de griffons et diverses allégories, comme l’on en peut voir dans les jardins royaux. Les danseurs de la compagnie Les Cavatines, dont l’agile Artur Zakirov se détache positivement avec une présence infiniment concentrée, animent ces masques et statues non sans espièglerie. Mais cela suffit-il à créer une scène ? L’exercice était peut-être périlleux, il faut le reconnaître, ne jetons point la pierre à qui s’y risqua. Les rouges robes tournantes des Caractères de la danse réussissent mieux à la chorégraphe.
La Statue trop parfaite de la seconde partie (qui donne son titre à l’ensemble) investit les jardins, toile peinte dans le gout du Grand Siècle. Le personnage est installé dans une gloriette à colonnade classique devant le pauvre sculpteur, amoureux de son propre talent, au fond, qui fait soupirer son désarroi. Tout ce qui s’apparente directement au monde de la Statue arbore des tenues XVIIIe, alors que ce qui regarde Pygmalion, ado attardé, relève de notre aujourd’hui. Céphise est ici une pure sotte vulgaire et les danseurs forment une joyeuse équipée de fêtards un peu niais. Fallait-il que l’un d’entre eux se travestît en grande nunuche ? Question de goût… Dommage, également, de faire revenir les choristes de NovoCanto pour la danse finale si c’est pour qu’il s’y prenne si cruellement les pieds dans le tapis !
La mise en scène, avec son ballet somme toute assez gentillet, contribue à l’indigence général de la soirée. La qualité d’exécution des Talens Lyriques n’est pas en cause, loin s’en faut, mais une distribution curieusement inégale. Le premier péché s’appelle la diction, copieusement mise à mal par trois voix féminines cependant de culture française. Paradoxe pour paradoxe, on retrouve le ténor clair d’Anders Jerker Dahlin (dessus), néanmoins suédois, en parangon de prosodie françoise. On croise dans le chant lui-même le troisième écueil du spectacle, avec une Statue qui minaude jusqu’à nuire à l’impact vocal et, dans Clérambault, une Muse rarement sur la note. Dahlin nous en console magnifiquement, de même que le timbre frais et le chant salutairement précis de Jodie Devos en Amour ramiste.
BB