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Chroniques
Psyché
spectacle de Julien Balajas
Agréable surprise que ce moment !
Se penchant sur une tragédie-ballet de 1671, signée Molière et Pierre Corneille, dont les intermèdes musicaux (ouvrant et ponctuant l’action) de Jean-Baptiste Lully arpentaient un livret de Quinault, et sur une tragédie lyrique de 1678 où le même Lully s’emparait des vers de Thomas Corneille (le petit frère), Julien Balajas a conçu un spectacle hybride qui, sans accorder l’omniprésence à la musique, ne la relègue pas à un rôle d’agrément par essence subalterne. Soigneusement mené, tout en se laissant parcourir d’un doux vent d’aimable loufoquerie, le résultat séduit.
De fait, si dieux et hommes sont ici miroirs les uns des autres – et c’est bien là le sujet de Psyché –, les questions, si vastes qu’au fond jamais l’on n’y répondit, de l’importance du texte sur la musique ou de la musique sur le texte, de cette étroite intimité grâce à laquelle ils peuvent créer au delà de leurs propres limites (problématique métastasienne par excellence), sont au cœur de l’entreprise, tant dans les choix que furent amenés à faire ses maîtres d’œuvre, le metteur en scène précité et la musicienne Claire Bodin. Si la soirée est bien de théâtre, ne nous y trompons pas, bien souvent la partition en dit plus long que les mots – plus justement dirions-nous en dit plus loin. Cette approche sensible rencontre une inventivité qui sait ne pas se laisser circonscrire ; autrement dit, elle s’avère respectueuse de l’esprit tout en demeurant bienveillante avec la lettre sans lui trop accorder de pouvoir.
Deux jeunes compagnies en présence, donc, comme vous l’aurez compris. Les Bijoux indiscrets, cénacle d’une douzaine de musiciens, jouant sur instruments anciens, qui s’est donné pour mission de rappeler la part féminine dans la création musicale de toujours (femmes interprètes, certes, mais aussi compositrices, réalité bien souvent occultée), et la Compagnie du Griffon dont comédiens et metteur en scène s’attèlent à révéler au public des textes oubliés. Grâce à un savant tissage parfaitement équilibré de leurs travaux, ces artistes – les chanteurs Luigi Di Donato, François-Nicolas Geslot, Carl Ghazarossian, Eugénie Warnier et Lina Yang ; les comédiens Julien Balajas, Aurélie Cohen, Bruno Detante, Maïa Guéritte, Ophélie Kœring, Guy Lamarque et Jean-Jacques Rouvière – constituent une équipe au dynamisme communicatif qui semble n’avoir d’égale qu’une peu commune exigence de qualité. Faisant du propos celui de toujours – de l’Antiquité comme du XVIIe Siècle, certes, mais aussi d’aujourd’hui, d’hier ou d’avant-hier –, par-delà toute datation (la scénographie se fait Belle Époque, mais sans exclusive) et sur un mode volontiers léger, cette Psyché interroge.
Quelques représentations se poursuivent à Montpellier ces prochains jours : surtout, n’hésitez pas !
BB