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Chroniques
programme 100% russe
Dima Slobodeniouk dirige l’Orchestre de Paris
Ce concert de l’Orchestre de Paris est entièrement consacré à la musique russe, dirigé par un jeune chef de trente-cinq ans déjà aguerri, le Moscovite Dima Slobodeniouk, qui chante ainsi dans son jardin. Après Le lac enchanté Op.62, court poème symphonique tout en liquidité plane et délicate composé en 1909 par Anatoli Liadov (1855-1914), élève de Nikolaï Rimski-Korsakov et professeur de Sergeï Prokofiev (1891-1953), le violoniste israélien Gil Shaham brosse un Concerto en sol mineur Op.63 n° 2 pour violon et orchestre de ce dernier, éblouissant de lumière, ouvrant ainsi de façon éclatante un cycle de trois ans qu’il consacre avec la phalange parisienne aux concertos pour violon composés dans les années 1930. Cette première prestation confirme le génie de ce musicien hors du commun (qui célèbrera l’an prochain ses quarante ans), jouant avec un plaisir, une sonorité, une chaleur, un naturel extraordinaires. La beauté de son jeu et des timbres qu’il exalte semble infinie, comme le confirment les trois bis qu’il donne tel un poète funambule avec un bonheur non feint, trois pages de Johann Sebastian Bach au chant d’une plasticité exceptionnelle sous son archet, tirées des Sonates et Partitas : Sarabande et Double de la Partita en si mineur n° 1 BWV 1002, Allegro de la Sonate en la mineur n° 2 BWV 1003,Gavotte en Rondeau delaPartita en mi majeur n° 3 BWV 1006.
En seconde partie, une œuvre bien connue des musiciens de ce soir : la première partition qu’Igor Stravinsky (1882-1971) a entièrement composée hors de sa Russie natale, Petrouchka, donné dans sa version originale de 1911 écrite pour les Ballets Russes de Serge de Diaghilev. Ce ballet célèbrera le 13 juin prochain le centenaire de sa création au Théâtre du Châtelet sous la direction de Pierre Monteux. La riche orchestration de cette première mouture (la seconde, plus souvent jouée, date de 1947) est si somptueuse et merveilleusement mise en résonance qu’elle rend sa palette de timbres et de couleurs (bois et cuivres par trois ou quatre, dont deux piccolos, contrebasson et tuba, timbales et cinq percussionnistes, deux harpes, piano, soixante cordes) aussi dense et variée que le matériau rythmique, sans cesse changeant. Dima Slobodeniouk en livre une lecture au souffle singulièrement dramatique, aux arêtes vives et acérées, dessinant chacune des étapes du tragique destin du pantin pétersbourgeois, sollicitant avec une énergie incandescente mais avec des gestes aussi précis qu’économes un Orchestre de Paris qui lui répond avec enthousiasme.
BS