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Chroniques
Peter Grimes
opéra de Benjamin Britten
Avec la complicité de Silke Bauer pour le décor, d’Esther Bialas pour la vêture, de Torge Møller pour la vidéo et dans les lumières de Michael Bauer, Stefan Herheim signait en février dernier la nouvelle production de Peter Grimes de la Bayerische Staatsoper, reprise ce soir dans le cadre de l’édition 2022 du Münchner Opernfestspiele. En concentrant l’intégralité de l’action dans un seul lieu dont le dispositif a pour principale vertu de renouveler les espaces de jeu, c’est un théâtre que montre le metteur en scène norvégien [lire nos chroniques de Parsifal, Eugène Onéguine, Rusalka, Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried et Götterdämmerung], celui d’un petit village côtier qui s’y regarde vivre. Ainsi l’ouvrage de Britten se trouve-t-il prisonnier d’un enclos dont l’horizon bute inexorablement à sa propre imagerie, via des vagues de carton où l’esquif de l’avide pêcheur fige son mouvement. Tour à tour tribune autoritaire de la petite bourgeoisie qui voile ses passions derrière un fragile carcan moral, comptoir de pub, église ou jetée, ce théâtre dans le théâtre enfle ses voiles tandis que menacent les images des flots tourmentés, ceux-là même où Grimes s’engagera pour jamais, condamné. Diversement réussies, les séquences qui se succèdent oscillent entre la représentation magnifiée par l’artifice assumé dans son autodésignation et une velléité plus naturaliste. Lourde, la machine impressionne par ses rouages rutilants sans parvenir toutefois à porter les destins des uns et des autres, et moins encore celui du rôle-titre, bientôt assimilé au mousse éternellement sacrifié dans les flots. Ses évolutions occupent copieusement le spectacle, jusqu’à donner le tournis, malgré une direction d’acteurs précise et vraisemblablement exigeante.
C’est donc plus à s’en tenir à la seule musique que l’on trouve ici son bonheur. Outre la lecture orchestrale fort contrastée d’Edward Gardner, caractérisant chaque situation et les tensions entre personnages avec une sorte de rage expressive qui impressionne, c’est la distribution vocale, dont on admire l’efficace cohésion dramatique, qui fait la soirée. Parmi une douzaine de rôles, certaines incarnations retiennent plus l’attention que d’autres. Ainsi de la Mrs. Sedley puissante de Jennifer Johnston [lire notre chronique d’Il trittico], de l’Auntie fort bien chantante de Claudia Mahnke [lire nos chroniques de Palestrina, Der Ring des Nibelungen, Les Troyens, L’Africaine et Tristan und Isolde] et de l’Ellen très présente de Rachel Willis-Sørensen dont séduit le chant souple [lire nos chroniques de Lohengrin, Les vêpres siciliennes et Vier letzte Lieder]. Côté messieurs, la moisson est moins abondante mais compte quelques éléments plus que remarquables comme Kevin Conners en Bob Boles, le robuste organe de Daniel Noyola en Hobson, sans oublier Konstantin Krimmel, attachant Ned Keene dont il soigne jalousement le phrasé. Enfin, la partie de Peter Grimes est assurée par Stuart Skelton, ténor idéalement héroïque qui cultive l’art de la nuance, par-delà certaines attaques quelque peu violentes. Encore faut-il féliciter les artistes du Bayerischer Staaatsopern Chor (direction Stellario Fagone) pour leur grande musicalité et leur vaillance.
BB