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Chroniques
Otages
opéra de Sebastian Rivas
Le troisième ouvrage de cette édition du festival annuel de l’Opéra national de Lyon [lire nos chroniques de La fanciulla del West et de La dame de pique] est représenté en création mondiale, au Théâtre de la Croix-Rousse. Otages fut d’abord la pièce de théâtre de Nina Bouraoui créée en 2015, avant que le compositeur Sebastian Rivas, directeur du GRAME et de B!ME (Biennale des Musiques Exploratoires), n’en adapte le livret [lire nos chroniques d’Uqbar, Le plancher de Jeannot et Aliados]. L’intrigue est celle que raconte elle-même Sylvie Meyer, « femme ordinaire de cinquante-trois ans » employée de l’entreprise de caoutchouc CAGEX et à qui le patron Victor Andrieu demande de surveiller les ouvrières, afin de constituer un vivier en vue d’éventuels licenciements. Abandonnée par son mari et mise en porte-à-faux, Sylvie « pète les plombs » et séquestre son patron. Nous assistons à deux interrogatoires et, en flash-back, aux événements qui l'ont amenée à ce dénouement dramatique.
Le soprano Nicola Beller Carbone incarne ce rôle essentiellement parlé, dans lequel un léger accent trahit sa nationalité allemande [lire nos chroniques de Salome, Der Zwerg et Die Soldaten]. Beaucoup moins sollicité, le baryton Ivan Ludlow cumule la partie du mari – qui quitte un beau matin le domicile conjugal en caleçon et chaussettes sur les mots « je m’en vais » – et celle du directeur de la CAGEX [lire nos chroniques de Béatrice et Bénédict, Carmen, L’incoronazione di Poppea, Les mamelles de Tirésias, Gawain, Wanderer, post scriptum, Lulu, Giordano Bruno et Bérénice]. Les deux protagonistes, tout comme la musique, sont sonorisés.
Réglée par Richard Brunel [lire nos chroniques de Der Jasager, der Neinsager, In the penal colony, Albert Herring, L’infedeltà delusa, Der Kaiser von Atlantis, Der Kreidekreis, Zylan ne chantera plus, Shirine, On purge bébé et La fille de Madame Angot], le directeur de l’institution lyonnaise, la mise en scène est une réussite qui enchaîne rapidement les tableaux successifs. Stephan Zimmerli a conçu une scénographie entre bureaux d’entreprise et pièces d’habitation, le tout derrière des façades vitrées devant lesquelles on ouvre ou ferme des rideaux à lames verticales. La position fermée permet la projection des vidéos d’Yann Philippe, soit préenregistrées, soit filmées en direct – principalement le visage de Sylvie en gros plan, avec malheureusement un petit décalage entre image et son.
Placé à l’arrière du plateau, un ensemble de neuf instrumentistes, dirigé par Rut Schereiner, reste invisible au public, jusqu’aux saluts finaux. Il produit une musique de fond à tous les sens du terme, la partition accompagnant en effet les déclamations des solistes mais sans jamais prendre un rôle de premier plan. Cette ambiance sonore n’est pas désagréable à l’oreille, régulièrement menaçante voire énigmatique, mais nous restons frustrés de l’extrême brièveté des parties chantées. À notre sens, la partition décolle tout de même lors de la séquence du troisième acte où Sylvie se remémore son mariage, pendant que passe, en surimpression sonore, la chanson d’Alain Barrière, Tu t’en vas. Mais le sentiment global est d’avoir assister à une pièce de théâtre sur fond musical, davantage qu’à un opéra.
IF