Chroniques

par bertrand bolognesi

Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Armin Jordan joue Zemlinsky et Brahms

Palais de la Musique et des Congrès, Strasbourg
- 21 février 2003
le chef d'orchestre Armin Jordan
© dr

Une œuvre trop rarement jouée, bien qu’elle fasse partie des plus entendue de son auteur, ouvre la soirée : Die Seejungfrau, fantaisie écrite par Alexander von Zemlinsky en 1903 à partir de La petite sirène d’Andersen. Elle fut créée à Vienne un an et demi plus tard, sans grand succès. Comme une grande partie du catalogue de Zemlinsky, Die Seejungfrau dut attendre de longues années avant d’être redécouverte. On pourra remercier Gerd Albrecht, puis James Conlon, de s’être pris de passion pour ce compositeur et d’avoir contribué au concert et surtout au disque à sa renaissance. Seule la Symphonie Lyrique sur les poèmes de Tagore était restée au répertoire, et ils sont pour beaucoup dans l’actuelle programmation de ses opéras.

Ce soir, Armin Jordan dirige une lecture assez sobre, sans emphase, accordant un soin minutieux à la sonorité des passages solistes. Il donne parfois à la fantaisie des allures de symphonie de chambre classique. On se souvient de la version endiablée d’Oswald Sallaberger à la tête de l’Orchestre de la Radio Sarroise (octobre 1998 à Sarrebruck), plutôt mahlérienne et même proche, par certains côtés, de Korngold. Rien de cela ici, mais au contraire une interprétation digne avec fort peu d’effets, un travail sensible, sans excès, se refusant l’appui de contrastes spectaculaires, qui préfère user d’une moire sonore extrêmement délicate qui, si elle s’abstient de théâtraliser la partition, rend un hommage énigmatique et mystérieux au conte d’origine. Ainsi le début du troisième mouvement bénéficie-t-il d’une tendresse infinie, s’étirant à souhait jusqu’au dénouement plus dramatique.

Nous entendons ensuite le Concerto pour violon en ré majeur Op.77 de Johannes Brahms. Tedi Papavrami assez brillamment tient la partie soliste, mais avec un son quelque peu confidentiel frustre l’écoute. Indéniablement, cet artiste possède de grandes qualités, mais souffre d’un manque de puissance qui l’empêche de les partager. C’est dommage, car, pour ce qu’on en recueille, son interprétation semble assez fidèle à l’œuvre, rendant compte du souci de son auteur de renouer avec une certaine idée du classicisme. C’est également dans cet esprit qu’œuvre Armin Jordan, là encore dans une expressivité des plus sobres qui laissant le musique se dire elle-même sans en souligner jamais les traits.

BB