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Chroniques
[...] Ob:scena
chorégraphie de Willi Dorner
Spectacle pour quatre danseurs, film et bande, [...] Ob:scena réunit trois artistes, s'interrogeant sur ce qui est visible et invisible au public, présent ou absent de la scène. Réalisateur indépendant, diplômé en psychologie et histoire de l'art à Vienne, Martin Arnold balise le spectacle de plans d'intérieur kitsch et seventies (bureau, chambre, douche) dont l'humain est exclu, à part sa trace sonore (machine à écrire, téléphone, rires féminins).
Ainsi, la soirée s'ouvre avec un extrait de film porno américain, Taboo, dont les corps ont été effacés numériquement ; il reste le lit, les « suck my dick » et autres gémissements de circonstance. Pendant ce temps, un couple en fond de scène, polo et pantalon stricts, regarde le public en situation de voyeur. On verra également des vues de bord de mer, accompagnées de cette soul music hédoniste qui allait bientôt prendre le chemin du disco.
Quelques Récitations pour voix seule, que Georges Aperghis a écrit il y a maintenant plus de vingt-cinq ans, servent également de leitmotiv. La voix de Donatienne Michel-Dansac accompagne des passages déterminés : celui des quatre danseurs de profil, dans un crescendo qui leur fait tourner fébrilement le buste face aux spectateurs, au fur à mesure qu’ils piétinent en s'éloignant de la rampe, jusqu'à s'écrouler dans un essoufflement orgasmique ; celui de ces deux benêts qui, après une parodie de séance de fitness, finissent par s'emboîter l'un dans l'autre, au gré de leur fantaisie.
L'Autrichien Willi Dorner explique sa démarche de chorégraphe : « Il ne s'agissait pas pour moi d'employer la danse pour restituer ce qui a été gommé du film ou de remplacer les mélodies absentes de la musique par de longs mouvements dansés. Je voulais plutôt approcher et simultanément éloigner le film, la danse et la musique afin de placer des transitions où elles sont suggérées d'une manière conventionnelle et de les omettre lorsqu'elles seraient devenues trop narratives ».
Copulation de groupe, main passé sur le sexe, croupe tendue, corps habillés contre leur gré ou enroulés de couverture, les mouvements sont assez minimaux et répétitifs : des rotations fébriles d'épaules, de petits sautillements proches du cloche-pied, des chutes sur les genoux ou sur la hanche, etc. Au bout d'une heure, on reste estomaqué de voir l'obscène résumé aux acrobaties gentiment pornographiques d’Helena Arenbergerova, Anna MacRae, Matthew Smith et Michael O'Connor. Or, l'obscène est ce qui dérange et fascine. Ici, on ne goûte que la douce futilité du cidre quand on nous promettait l'absinthe.
LB