Chroniques

par irma foletti

Norma
opéra de Vincenzo Bellini

Opéra Nice Côte d’Azur
- 18 février 2018
À Nice, Renato Balsadonna joue Norma (1831), l'opéra de Vincenzo Bellini
© dominique jaussein

Avec ses cinq titres qu’on pourrait qualifier de mainstream – plus précisément L’elisir d’amore, Le nozze di Figaro, Norma, Roméo et Juliette et Nabucco –, la saison lyrique niçoise ne brille pas par son originalité. L’intérêt du spectateur passionné se reporte alors sur la qualité des distributions vocales ou la pertinence du traitement visuel, ce qui est le cas de cette Norma. Déjà présentée à Saint-Gall en mars 2016, la production de Nicola Berloffa [lire nos chroniques des 12 novembre et 12 août 2017, puis du 3 octobre 2008] s’écarte assez radicalement d’un traitement classique à la gauloise où l’on a vu plus d’une fois des druidesses cueillant le gui à la serpe et des Romains casqués et cuirassés (parfois en jupettes, comme à Liège à l’automne 2017).

Le rideau se lève sur une vaste maison éventrée, façade aux fenêtres murées au fond. Des femmes en noir nettoient les plaies d’un homme allongé sur une tombe – en fait, le cadavre d’un soldat sur lequel on viendra déposer son épée. Norma entre en robe blanche et nœud rouge, accompagnée de trois dames couronnées et pareillement vêtues. La plus âgée lui donne un bouquet… pas besoin de cueillir le gui ce soir ! Conçus par Valeria Donata Bettella, les costumes s’inspirent du XIXe siècle, sans doute en référence à l’époque de la création de l’ouvrage (1831), pendant les guerres d’indépendance italiennes. Pour les scènes plus intimistes, c'est-à-dire la deuxième partie du premier acte et la première du second, une pièce intérieure est déposée sur le plateau : trois cloisons forment la chambre des enfants, avec deux fauteuils et un petit lit à baldaquin à droite. Adalgisa apparaît en riche robe rouge, tandis que Norma a troqué le blanc pour le bleu, transformant ainsi l’intrigue en une espèce de drame bourgeois.

En ouverture d’Acte II, Norma donne une cuillérée de sirop à ses enfants qui s’écroulent aussitôt de sommeil – jolie touche d’humour sur les paroles Dormono entrambi ! On apprécie moins la mini-chorégraphie ridicule des choristes (qui ont déjà du mal à chanter en rythme) pendant Guerra, guerra !, avec petits jeux de jambes et moulinets des bras… Pendant leur duo final, Norma embrasse Pollione à pleine bouche. On se passe ensuite de bûcher pour la conclusion, l’héroïne s’écroulant sur la tombe à gauche et son amant se faisant transpercer par l’épée d’Oroveso.

Vocalement, les femmes dominent très nettement, avec Yolanda Auyanet qui interprète une formidable Norma [lire notre chronique du 14 juin 2017]. Toujours très musicale et homogène jusqu’au suraigu, la voix est capable de puissance et d’abattage, mais aussi d’une extrême douceur sur les cantilènes, dont la plus connue Casta Diva. L’actrice est aussi fort engagée, par exemple complètement déchaînée envers Pollione, épée à la main dans son duo final In mia man alfin tu sei. Petit bémol, la vocalise n’est pas spécialement facile, elle coince parfois sur quelques fioritures, en évite ou en simplifie certaines autres. La jeune Alessandra Volpe en Adalgisa est une belle découverte, beau timbre sombre et rond de mezzo, volume raisonnable avec des possibilités de projection puissante vers l’aigu. La précision de l’intonation paraît toutefois moins parfaite que chez son ainée et, là encore, l’inconfort est flagrant sur les traits d’agilité.

Ces défauts sont amplifiés chez les Messieurs, avec les accents véristes de Walter Fraccaro qui évoquent souvent un Chénier plutôt qu’un Pollione [lire nos chroniques du 7 juillet 2017 et du 17 mars 2013]. Le ténor, qui chante régulièrement Radamès ou Calaf aux Arènes de Vérone, est, certes, vigoureux, mais le timbre manque de séduction belcantiste. Beaucoup de notes sont prises par-dessous, la justesse laisse parfois à désirer, plusieurs graves sont sourds et les vocalises le plus souvent savonnées. Ce sont, en revanche, les aigus qui font défaut à la basse Sergueï Artamonov (Oroveso), beau timbre sonore dans l’absolu, mais instable ; les problèmes de justesse écorchent rapidement les oreilles [lire notre chronique du 15 juillet 2014]. Karine Ohayan (Clotilda) et Marc Larcher (Flavio) complètent dans les rôles secondaires [sur ce dernier, lire nos chroniques du 12 mai 2016, du 17 décembre 2015 et du 4 novembre 2011].

Les premières notes de l’Ouverture rassurent sur la qualité de l’Orchestre Philharmonique de Nice : cordes suffisamment véloces, percussions généreuses, bois précis. Et beaucoup de nerf également dans le rythme impulsé par le chef Renato Balsadonna… trop, sans doute, pendant l’Ouverture où les mesures habituellement ralenties vont bon train ! Mais tout rentre dans l’ordre au cours de la représentation. On apprécie en particulier la solennité de l’ensemble dans les introductions ou les airs d’Oroveso. Le Chœur ne se hisse malheureusement pas à ce niveau, avec nombre de petits décalages, et des pupitres de sopranos et de ténors sans grande rondeur de son.

IF