Chroniques

par laurent bergnach

Miss Knife chante Olivier Py
spectacle d’Olivier Py

Théâtre 71, Malakoff
- 16 janvier 2014
Miss Knife chante Olivier Py, spectacle d’Olivier Py
© dr

Voilà près d’un quart de siècle qu’Olivier Py côtoie Miss Knife, dont les Ballades étaient parues en 2002 chez Actes Sud. Enfant dans la boutique de mode de sa mère avant de devenir comédien, dramaturge, metteur en scène et directeur de structures théâtrales (Orléans, Paris, Avignon), l’ancien étudiant en théologie – qui avait évoqué une Marie-Madeleine entre ombre et lumière dans Le vase de parfums [lire notre chronique du 27 octobre 2004] – explique la naissance de son alter ego suite aux combats du quotidien et d’une carrière institutionnelle qui vous arrachent des plumes :

« toute cette souffrance d’être un homme, j’ai voulu en faire quelque chose. Sans tomber dans la singerie de la castration, je voulais me débarrasser de cette créance du désir masculin qui crée du désir. Je me suis donc transformé en femme, en Miss Knife. C’est une créature de rêve dans tous les sens du terme. Je l’aime parce qu’elle représente tous les vécus de toutes les figures de femmes que j’ai rencontrées, admirées ou imaginées ».

Annoncée par un roulement de tambour avant d’être accompagnée par toutes sortes de rythmes populaires (jazz, salsa, guinguette, tango, klezmer, militaire, etc.), la (souvent) blonde Miss Knife, portant robe de strass, collants rouges et talons hauts, trahit son âge en évoquant ses rendez-vous dans les toilettes de la Gare de l’Est, au milieu des années quatre-vingt. Comme dans n’importe quel cabaret du monde, elle chante à cœur ouvert la chiennerie d’être artiste – trac, critiques et fins de mois difficile (« surtout les trente derniers jours ») –, les adorables amours sans lendemain (quand « votre indifférence n’était pas un affront »), la quête du bonheur toujours déçue, la souffrance des perdants et des coupables, et toujours, toujours, la fuite inexorable du temps – entre douce mélancolie et grinçante écorchure.

Tantôt chanteuse réaliste à la voix profonde (Anny Gould) ou au timbre voilé (Barbara), parfois « baryténor », Olivier Py déçoit par une diction qui fait souvent perdre le fil de textes à la chair économe, qu’habillent les musiques de Stéphane Leach (au piano) et Jean-Yves Rivaud jouées par Olivier Bernard (saxophone, flûte, clarinette), Julien Jolly (batterie) et Sébastien Maire (contrebasse). L’émotion venant rarement des chansons – on excepte Les cafés du Ve, Les amours sans promesses ou encore L’éternité –, on préfère l’artiste durant les intermèdes où l’humour éclate tel une bulle de champagne, lorsqu’il retrace un entretien avec Marguerite Duras ou répertorie les névroses du public conciliant. Miss Knife ira-t-elle en enfer ? Pas tant qu’elle gardera le crucifix qui brille à son cou lors des saluts !

LB