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Chroniques
Macbet | Macbeth
opéra de Giuseppe Verdi
Nul ne saurait accuser le Buxton Festival de s’en tenir à une programmation confortable ! Notre séjour dans l’agréable ville d’eau du Derbyshire confirme une activité passionnée qui s’investit de préférence dans les ouvrages rares, voire la création, comme hier avec Y tŵr de Guto Puw [lire notre chronique de la veille]. Sauf qu’à lire le titre de cet article, on pourrait prétendre une moindre prise de risque. Il n’en est rien, puisque l’on joue ce soir la première version de Macbet, plutôt qu’un mixte des deux – en général, les productions choisissent la mouture parisienne de 1865 à laquelle elles collent quelques moments de celle de 1847. L’intérêt de la version de Florence est qu’elle ne bénéficie pas encore de la maîtrise de l’orchestration qui définit les opus ultérieurs : du coup, elle est plus rude, marquée par une urgence directe, vitale même. Contrairement à l’option postérieure de dix-huit ans, le rôle-titre meurt sous nos yeux, avec une dernière aria de belle facture à laquelle on comprend mal que Verdi finalement renonça.
Au chef d’orchestre Stephen Barlow, également directeur artistique du festival, il n’a pas échappé que la fosse du Macbet original mettait plus radicalement le feu à la scène. Par ailleurs, son écriture très tonique s’en tient à un effectif raisonnable qui convient idéalement aux proportions de l’Opera House, sans doute comparables à celle du Teatro della Pergola où il fut créé. Avec un indéniable sens du style, Barlow signe, à la tête du Northern Chamber Orchestra, une exécution extrêmement vigoureuse qui, à coup sûr, porte les chanteurs dans le drame. Pari gagné : nous voilà vraiment convaincus de l’efficacité théâtrale de l’original !
Préparé par Matthew Morley, le Festival Chorus, qui intègre un programme Jeunes chanteurs, livre lui aussi une prestation superlative. Comment n’être pas ému à son invocation de la clémence divine pour épargner le pays des horreurs de la guerre ! Il faut préciser que les petits rôles ont judicieusement été confiés aux artistes du chœur.
Avec cette fosse plus light dans une bonbonnière qui sonne bien, les solistes n’ont pas à déployer des forces épuisantes. Du coup, la ligne de chant est soigneusement négociée par chacun. Félicitons Luke Sinclair dont le timbre caressant est idéal au noble Malcolm et le ténor coréen Yung Soo Yun en puissant Macduff, avantagé par une conduite contrôlée et précise qui culmine dans La paterna mano, très prenant. Cette soirée est marquée par une découverte de taille : celle de la jeune basse moldave Oleg Tsibulko qui, d’une pâte généreuse, campe un Banco vraiment gracieux et souverain, d’une intensité absolue – un chanteur qu’il faudra suivre !
Le couple infernal n’est pas en reste. Le soprano australien Kate Ladner est Lady parfaitement démonique qui se joue des fioritures vocales avec une maîtrise admirable. Elle compose un personnage plus nuancé, jusqu’à la fragilité parfois, comme une innocence retrouvée au pire de la damnation. Bonne comédienne, c’est avant tout par la voix qu’elle incarne ce rôle complexe. Stephen Gadd fait de même en Macbeth qui décline toujours plus loin dans sa folie, avec une sorte de joie sensuelle de la destruction. Les tourments intérieurs s’expriment dans les nuances, très inventives, de ce baryton tonique.
Dans la scénographie minimaliste de Russell Craig, sévère cadre intemporel qui suggère l’éternelle actualité de l’argument, la mise en scène dense d’Elijah Moshinsky maintient, durant toute la représentation, un niveau de tension presque insoutenable. Une direction d’acteurs exigeante – et gagnante ! – enflamme le théâtre. Ici, les sorcières surgissent de l’imagination malade de Macbeth, stimulé par la drogue qui aurait dû l’aider à dormir. La vidéo de Stanley Orwin-Fraser propulse le public dans ses cauchemars. Les scènes-phare de l’opéra ont l’impact requis. Tout juste regrettera-t-on l’absence d’une vision plus large de la tragédie, dans cette proposition bien réalisée mais de vue un peu courte.
HK