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Chroniques
Médée furieuse
Anna Maria Panzarella et Amarillis
Dans le cadre de son cycle Sacres et sacrifies, la Cité de la musique accueille l’ensemble Amarillis dans un programme entièrement consacré à la magicienne antique. Intelligemment conçu, le menu enchevêtre les parties chantées à des pièces instrumentales judicieusement choisies, travouillant adroitement les rugissements de l’inspiratrice à travers des styles sensiblement différenciés.
Nous retrouvons Violaine Cochard – au clavecin Hemsch de 1761 conservé au Musée de la musique – et ses amies Anne-Marie Lasla (viole de gambe), Héloïse Gaillard (hautbois baroque et flûte à bec) et Gilone Gaubert-Jacques (violon), souvent entendues dans un répertoire qu’elles défendent avec passion, une passion que conjuguent volontiers précision, pertinence, souplesse et sensibilité, comme en témoignent une nouvelle fois les interprétations de ce soir.
Après un prélude de Michel de La Barre délicatement articulé entre en scène une Médée déterminée, posant d’un regard d’harfang ulcéré le vigoureux récitatif qui ouvre la cantate de Nicolas Bernier (1703). Anna Maria Panzarella habite immédiatement la figure tragique, tant par la grande présence dramatique que par l’excellence du chant. Fiabilité redoutable de la vocalise, subtilité expressive de l’ornementation et de certains parti pris d’attaque, nuance toujours extrêmement travaillée servent un Tirans des rivages funèbres qui fait frémir. Une tendresse inattendue de la couleur livre ensuite Ingrat, ta cruelle inconstance sur un mode languide, tandis que Beautés fuyez laisse entrevoir une héroïne tour à tour furieuse et nostalgique qui s’adonne finalement au plaisir (suicidaire sublimé) de sa colère. Quelques extraits de la tragédie lyrique Thésée (1675) de Jean-Baptiste Lully [lire notre chronique du 25 février 2008] alternent ensuite avec des pièces de Gaultier de Marseille.
Après deux pages tirées du IIIe Livre pour clavecin de Jacques Duphly – La Forquerayet Médée, aux caractères contrastés –, nous entendons la cantate Médée (1710) de Louis-Nicolas Clérambault, introduite par deux mouvements empruntés à la Symphonie n°7 du même auteur. Invoquant ses indigètes lointaines, la Colchidienne saisit sa rivale dans le rèdre de sa rage, jusqu’à goûter les voluptés du juglon infanticide, concrétisation d’un phantasme qui efface le monde d’avant, comme l’avaient été son meurtre du frère et le don qu’elle fit au beau Jason (qu’évire dès lors la mort de ses fils) de la célèbre moraine. L’ornementation devient alors hystérique, virevoltant grâce à un art d’une fermeté médusante, tandis que frémit Venez, venez, punissez ma rivale à travers une harmonie génialement nauséeuse et suprêmement chaotique.
Remerciant un public enthousiaste, le mezzo-soprano offre en bis un air de cour de Lambert à l’amoureuse mélancolie qui laisse l’oreille songeuse.
BB