Chroniques

par monique parmentier

L'incoronazione di Poppea | Le couronement de Poppée
opéra de Claudio Monteverdi

Arcal / Théâtre du Vésinet
- 18 février 2010
L'incoronazione di Poppea, opéra de Monteverdi, par l'Arcal au Vésinet
© dr

Toujours l’on se fait une grande joie à l'idée de pouvoir entendre et voir Le couronnement de Poppée. Le dernier opéra du père du genre est trop rare pour se priver d'une nouvelle production. Jérôme Corréas – qui nous a déjà offert des œuvres uniques comme l'Ormindo de Cavalli [lire notre chronique du 3 mai 2007] avec mise en scène, ou un Xerxe du même compositeur, en septembre dernier au TCE, en une version concert de grande valeur – semblait pouvoir nous en offrir une belle version.

Ce soir, la déception est au rendez-vous.
En aucun cas ce n'est la faute des musiciens ou des chanteurs, ni d'ailleurs de qui que ce soit, mais plutôt celle d'un lieu qui ne peut que tuer la musique en l'étouffant. Car celle de Monteverdi est délicate et l'acoustique de ce théâtre lui est impropre. Il n'en demeure pas moins que les animateur de cette salle ont le mérite de vouloir faire entendre des œuvres exceptionnelles à un public qui ne va pas ou peu à l'opéra, ce qui est d'un grand prix. La seule difficulté est de devoir écrire une critique juste d'un spectacle dont on ne put percevoir qu'une partie.

Ayant choisi de nous présenter L'incoronazione di Poppea avec l'effectif qui fut le sien à la création de 1643 au Teatro Pirrotta de Venise, Les Paladins se présentent en petit effectif : cordes, clavecin et orgue. Et si, par instant, on discerne quelques couleurs qui, dans un autre lieu, trouveraient leur profondeur, elles apparaissent ternes et couvertes. Ainsi, seul le théorbe de Rémi Cassaigne offre-t-il quelques beaux moments. Tous les autres instruments laissent l'impression d'une aura lointaine, leurs efforts demeurant vains passé le cinquième rang.

Cette acoustique s'avère tout aussi regrettable pour les voix.
Seules Françoise Masset et Jean-François Lombard dépassent cette « ambiance moquette »et offrent de beaux moments. La première fait d'Octavie une victime pathétique plus que tragique, au sens le plus noble du terme. Par son éloquence, sa diction parfaite et ses intonations d'une justesse confondante, elle est cette épouse trompée et bafouée. Jean-François Lombard caractérise avec un réel plaisir chacune des nourrices de Poppée et d'Octavie. Il savoure ces rôles non seulement scéniquement mais par un timbre qu'il colore pour mieux rendre les différences. Dans la scène du sommeil de Poppée, c'est à lui que nous devons le seul véritable instant de grâce. Il termine mezza voce sur les mots « È luminoso il dì, sì come suole, E pur vedete, addormentato il sole » sans que l'acoustique n'en éteigne la subtile nuance. Il est quasi impossible de parler des autres interprètes, si ce n'est de la Poppée au timbre charnu et sensuel deValérie Gabail et de l'Othon de Paulin Büngden qui dessine au personnage un véritable caractère : plutôt que de nous le montrer implorant, il en fait un être veule tentant le viol de l'héroïne.

La mise en scène de Christophe Rauck mélange les genres.
Si parfois cela donne de bons résultats, comme dans l'entrée d'Octavie avec une mappemonde sur laquelle elle trouve appui et qui se consumera comme les passions à la fin de la tragédie, ou dans la mort de Sénèque, avec bougies et piles de livres, elle reste trop hésitante, voire vulgaire parfois, et manque de moyens là où le comique de situation et de mot se suffisent à eux-mêmes. Ainsi le prologue paraît-il peu attrayant ou déplacée la carte postale romaine avec sa vespa. Mais la plus grande déception vient du traitement du duo final. Alors qu'il est probablement le plus sensuel de toute l'histoire de l'opéra, jamais les deux amants ne se rejoindront, cachés derrière le rideau ; certes, ils s'avancent l'un vers l'autre, mais plus en enfants qu'en maudits.

Enfin, certains costumes et éclairages se révèlent plutôt intéressants.
Compte tenu des circonstances et vu les qualités qu'il nous a semblé discerner ce soir dans ce Couronnement de Poppée, la production mérite d'être vue et entendue en un lieu qui saura lui rendre justice et démontrer que l'ouvrage est certes du théâtre, mais aussi et avant tout une musique sublime. Nous ne doutons pas que Les Paladins la feront alors sonner ainsi.

MP