Chroniques

par monique parmentier

les Italiens à Paris
aux sources de l’opéra français

Opéra Royal, Château de Versailles
- 24 septembre 2010

La nouvelle saison d’automne du Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) se décline comme chaque année en plusieurs grands thèmes : Fêtes baroques, journées thématiques consacrées en 2010 à Campra et à la musique de la cour d’Henri IV. Cette richesse de programmation, où de nombreux ensembles sont invités à nous faire découvrir des œuvres rares et précieuses, est un véritable enchantement par sa diversité.

Le concert inaugural des Fêtes baroques était consacré aux sources de l’opéra français. Les Paladins et les deux solistes Sandrine Piau et Karyne Deshayes, nous ont offert un concert d’une grande intelligence et subtilité, aux couleurs mordorées. Jérôme Corréas, fait partie de ces musiciens qui depuis quelques années nous font entrevoir le faste de l’opéra italien des origines. Luigi Rossi et Francesco Cavalli, le Romain et le Vénitien, sont tous deux venus en France à la demande de Mazarin, tentant de faire partager au public français, qui n’aimait que la danse, cette passion si italienne de l’art vocal. Si ce fut un échec, il permit du moins l’émergence d’un nouveau genre, la tragédie lyrique. Et cela, on le doit à un autre Italien, Jean-Baptiste Lully, qui su adapter certains caractères de l’opéra italien en les fusionnant avec ceux de la musique à danser dont raffolait tant le public français. La délicate maitrise de la pâte orchestrale et la brillance du chant nous ont fait ressentir l’intense émotion que suscite cette musique de l’âge d’or du baroque italien.

Sandrine Piau et Karyne Deshayes ont été bouleversantes toutes deux. Dans les duos, leurs voix rondes et chaleureuses, ont fait chatoyer les sentiments en des reflets ardents se jouant des ombres de la douleur. Que se soit dans les extraits de Serse ou de l’Orfeo, elles se sont montrées de fines tragédiennes, faisant preuve d’une éloquence au phrasé pathétique et ténébreux, donnant aux mots toute la violence ou la mélancolie des affects.

Dans l’air Dite, ohimè, dove ne gite extrait de l’Orfeo de Rossi, Karyne Deshayes, nous a fait vivre un pur instant de magie. Son timbre moiré a su rendre l’envoutant chagrin d’Orphée. Tandis que dans l’air Loquace diva, extrait de la Finta Pazza de Francesco Sacrati, elle s’est révélée piquante et charmante. Sandrine Piau, quant à elle, a été une poignante Euridice dans le duo de l’Orfeo, ou Romilda dans Che barbara pietà, extrait de Serse de Cavalli. Son soprano tendre et sensible a fait palpiter la tragédie en en intériorisant toute sa flamme. Tandis que dans l’air extrait de Psyché de Lully, Deh Piangate al pianto mio, son timbre clair et cristallin et l’onde fluide du clavecin de Jérôme Corréas ont créé un instant mystérieux et ensorcelant où le temps a suspendu son cours.

Sous la direction attentive et généreuse du musicien, Les Paladins ont apporté une basse continue élégante et brillante aux deux interprètes. Composé d’une dizaine d’instrumentistes, ils ont dessiné, suggéré, des nuances et des couleurs raffinées et luxuriantes.

MP