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Chroniques
le Concerto de Beethoven par Arabella Steinbacher
Neville Mariner dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France
C’est un programme classique que l’Orchestre Philharmonique de Radio France présente avenue Montaigne, mené par le grand chef britannique Neville Mariner, véritable autorité dans ce répertoire. Le public ne sera donc pas surpris d’y croiser une interprétation plutôt équilibrée du Concerto pour violon de Beethoven dont la partie soliste est confiée à la jeune Arabella Steinbacher, venue remplacer Kyung-Wha Chung souffrante. Née à Munich il y a vingt-deux ans, cette artiste fut élève d’Ana Chumachenko, Dorothy DeLay, Kurt Sassmannsheus et Ivry Gitlis, avant d’être lauréate du Concours Joachim de Hanovre en 2000, puis boursière de la Fondation Anne-Sophie Mutter.
Elle donne une lecture fort délicate du Concerto en ré majeur Op. 61, d’une sonorité claire qui ne cède jamais à l’emphase. Mariner et l’orchestre la suivent pas à pas, intégrant ce qu’elle propose et développe en parfaite intelligence. Le Larghetto est particulièrement réussi, très étiré, s’étalant dans une rondeur déjà préromantique tout en affirmant une précision et une minutie salutaires. Cette version brille par son absence de brutalité, même lorsque l’accompagnement muscle les contrastes. Tout s’y fait comme en un souffle, une confortable évidence, dans un exquis raffinement. L’Allegro achève l’exécution avec élégance, couronnant la cohérence d’un propos tenu sur trois mouvements où le classicisme est à son comble. Remerciant une assemblée enthousiaste qui ne compte pas les bravi, Arabella Steinbacher offre en bis un Recitativo e Scherzo de Fritz Kreisler, virtuose à souhait, qu’elle colore sans manière, avec une façon toute personnelle de mordre la corde pour lui faire dire plusieurs langues.
Soucieux de préserver l’équilibre naturel de l’orchestre tel qu’on le pensait il y a un peu plus de deux siècles, Neville Mariner limite l’effectif du Philhar’ pour la Missa in angustiis écrite par Haydn durant l’été 1798. Uwe Gronostay a préparé le Chœur de Radio France dont on goûte la prouesse, surtout dans le Sanctus avec ses deux premiers versets qui bénéficient d’un vrai recueillement, à la hauteur de l’ardente ferveur développée dans Pleni sunt coeli. Dès le Kyrie, la lecture affirme une certaine sècheresse, allant toujours droit au but. Le soprano Sally Matthews accuse quelques soucis d’aigus un peu crus, alors que le reste de la tessiture est plutôt chaleureux. Elle chante cette page comme un air de passion qu’on aurait transposée sur une scène d’opéra. Dans le Credo, ses aigus se libèrent. En revanche, le ténor Bonaventura Bottone est rarement sur la note, ce qui est d’autant gênant qu’il possède une voix copieusement projetée, de loin la plus sonore du quatuor mis en présence.
Les bois prouvent une nouvelle fois leur talent. Qui tollis laisse apprécier les harmoniques avantageusement cuivrées de la basse Jonathan Lamalu dont le timbre s’avère par ailleurs relativement ingrat et la voix plutôt lourde. Son chant s’améliore au fil de l’exécution, offrant des graves charnus. Dans l’Ex Maria Virigine du Credo, le soprano rejoint enfin le style, avec un chant plus égal, quelque peu distancié, plus mozartien. Indéniablement, c’est l’alto québécois Marie-Nicole Lemieux qui possède l’art et la voix les plus satisfaisants. Le timbre est d’une somptueuse rondeur, le chant toujours posé, sans la moindre affectation, la phrase parfaitement menée. Elle livre un saisissant Agnus Dei. Bravo également aux cordes pour l’introduction du Benedictus, dans une sonorité profonde construite à partir des unissons de violoncelles, magistralement réalisés.
BB