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Chroniques
Le Cid
opéra de Jules Massenet
S’écartant pour un temps des charmes suaves de l’opéra-romance cher à sa plume, le compositeur stéphanois se rapprocha du genre équipe pour mettre en scène les exploits héroïques du sieur Rodrigo Diaz, dit le Cid Campeador, chevalier du roi de Castille ayant, en 1094, ravi la principauté de Valence aux musulmans. Pierre Corneille avait tracé la voie avec son fameux Cid. Pour l’occasion, les librettistes de service dans la Troisième République naissante s’y mirent à trois – messieurs d’Enney, Gallet et Blau – pour fabriquer un livret qui puise généreusement, pour ne pas dire à tout prix, dans la versification cornélienne. D’où un texte souvent emphatique, qui n’est sans doute pas le principal atout de cet ouvrage resté secondaire au hit-parade du cher Jules.
Là-dessus, Massenet à concocté une partition non dénuée de qualités, parfois un rien dispersées, sacrifiant aux inévitables airs de bravoure, mais ménageant de beaux ensembles concertants, tel le finale du deuxième acte.
L’Opéra de Marseille a décidé de conclure sa présente saison en reprenant cet ouvrage fort « en coups de glottes » mais assez rarement présenté. Pour camper le Cid, il s’est offert et a offert aux mélomanes phocéens le ténor superstar par excellence, Roberto Alagna. Évidemment, la voix du presque quinquagénaire chanteur n’a plus le timbre séduisant de jadis ni le brio d’autrefois. En revanche, il a toujours tendance à accentuer les décibels, mais les aigus, généreusement et presque constamment jeté en avant, sont désormais volontiers durs et détimbrés. Autrement musical, subtil, bien pesé et habilement conduit, le chant d’une autre vétérane de la scène lyrique, Béatrice Uria-Monzon (Chimène), a nettement mieux résisté au passage du siècle. Certes, le grave est désormais un peu confidentiel, mais l’émotion est toujours là, comme la présence scénique, d’une réelle et changeante expressivité.
Si le Don Gomès de Jean-Marie Frémeau ploie plus encore plus sous le poids des ans, le Roi de Franco Pomponi, le Don Diègue de Francesco Ellero d'Artegna et encore plus l’Infante de Kimy McLaren, associent musicalité, expressivité et belle ligne de chant. L’autre atout du spectacle réside dans la qualité à la fois musicale et scénique des Chœurs de l’Opéra de Marseille, largement sollicités par la partition, alors que les atouts de l’orchestre s’avèrent nettement moins cohérents, depuis des bois superbes à des vents par trop instables, en passant par des cordes un peu inégales tout au long de la soirée. Reste la direction de Jacques Lacombe, généreuse, frémissante de vie, restant peut être trop au niveau de l’événementiel – mais l’œuvre se prête-t-elle à une approche plus approfondie ? Reste aussi le concept visuel : sur la base d’une intrigue transposée de l’époque médiévale à l’ère franquiste – ce qui évite armures, cottes d’arme e tutti quanti –, Charles Roubaud pour la mise en scène, Emmanuelle Favre pour les décors, Katia Duflot pour les costumes et Jacques Rouveyrollis pour les éclairages livrent une lecture vigoureuse, cohérente et, donc, convaincante.
GC